Un film sur l’apprentissage, les illusions et la bataille pour la méritocratie. Suzanne Jouannet est une promesse qui consolide.
par Roberto Tirapelle
Synopsis
Sophie est une lycéenne brillante. Encouragée par son professeur de mathématiques, elle quitte la ferme familiale pour suivre une classe préparatoire scientifique. Au fil de rencontres, de succès et d’échecs, face à une compétition acharnée, Sophie réalise que son rêve, intégrer Polytechnique, représente plus qu’un concours… un vrai défi d’ascension sociale.
Frédéric Mermoud est un réalisateur également actif sur le front des séries, réalisant “Les Revenants” devenu une série culte pour Canal+ et Engrenages, saison 6 également pour Canal+. Toujours pour la télévision il filme avec Sirius les derniers jours d’un plateau inspiré du massacre de l’Ordre du Temple Solaire. Il crée et coproduit “Criminal France” pour Netflix une série aux formes procédurales huisclos.
Parallèlement il se tourne vers le cinéma et, après les deux premiers courts métrages, il réalise le premier long métrage “Complices” présenté en compétition à Locarno, recevant le Prix du cinéma suisse du meilleur scénario. C’est un thriller avec plusieurs scénarios. Puis le deuxième long métrage “Moka” avec Emanuelle Devos et Natalye Baye, un drame psychologique également présenté à Locarno où il a rencontré les éloges de la critique et du public.
Maintenant, avec “La voie royale“, son troisième toujours présenté à Locarno sur la Place Grande, il met en scène une histoire d’apprentissage, une paysanne qui rêve d’une éducation supérieure pour changer le monde. C’est une élève brillante dans son lycée, notamment en mathématiques, mais ses débuts ne sont pas faciles du tout. C’est un nouveau monde et le choc est difficile à surmonter.
C’est une école élitiste où la rigueur tourne à l’obsession. La nouvelle réalité est marquée par des rencontres intéressantes mais aussi par des échecs qui la marquent. Réalisant que la compétition est impitoyable, elle devient une combattante qui doit faire face aux humiliations des enseignants, mais ils la nourrissent également d’un sentiment de fierté dans la réalisation de ses objectifs, en entrant au Polytechnique.
Certes, le travail préparatoire du réalisateur n’a pas été facile. Frédéric Mermoud raconte avoir demandé pendant des années à Tonie Marshall, sa productrice, de vouloir faire un film sur le moment clé où l’on devient acteur de sa vie et où il faut faire des choix. “Des choix -il déclare – qui influencent notre vie amoureuse, nos études, notre engagement politique. Ce moment où, d’un coup, on décide qui on veut devenir sans être complètement sûr d’avoir raison.” “Tonie venait de lire un script d’Anton Likiernik qui se déroulait dans les cours préparatoires scientifiques, ce qui m’intéressait surtout parce que cela avait été peu filmé.”
(Suzanne Jouannet, cr ph Emmanuelle Firman)
Nous savons également qu’au cours des étapes préparatoires, le directeur avait des contacts avec les étudiants et les enseignants. Il a également assisté aux oraux de Polytechnique et a également assisté au même moment critique que Sophie. Sophie elle-même (Suzanne Jouannet) – dit la réalisatrice – “a passé du temps avec une jeune fille qui passait les concours de l’X et, pendant le tournage, mon fils cadet a été reçu dans une prépa scientifique: il a été un peu mon insider ! J’ai aussi collaboré avec un jeune doctorant, Jérémie Klinger, qui passe sa thèse en physique à Normale Sup cet été, et qui a été mon conseiller scientifique: il a visé tous les exercices, vérifié les équations écrites au tableau et surtout aidé les acteurs à s’approprier ce langage qui était totalement inconnu pour eux. Il a été mon garant sur la crédibilité scientifique du projet.”
Frédéric Mermoud a toujours tendance à valoriser ses interprètes et, de fait, c’est l’occasion pour Suzanne Jouannet (Sophie) de s’imposer au cinéma mais aussi dans sa carrière d’actrice. Il a une simplicité désarmante qui cache un pragmatisme absolu, deux aspects qui en font une merveilleuse surprise. Même les seconds rôles sont au rendez-vous: son amie Dianne (Marie Colomb) qui quittera sa carrière scientifique pour se consacrer à des études de théâtre; ou encore sa prof de physique Maud Wyler, en apparence rude mais dans l’ombre profonde de personnalités plus rassurantes. Comme les artistes masculins antipathiques. Cependant, quel plaisir de voir des jeunes dans un film qui suit une éducation coûteuse, la méritocratie, le pouvoir du succès.
A propos de Suzanne Jouannet le réalisateur déclare: “Je cherchais une sorte de petit taureau têtu, avec une énergie folle. Avec la directrice de casting Okinawa Guerard, nous avons auditionné beaucoup de jeunes actrices et Suzanne s’est imposée. Je sais que c’est un peu cliché, mais dès les premiers essais, j’avais eu l’intuition qu’elle incarnait exactement le personnage que je recherchais. Suzanne est solaire, d’un naturel joyeux et spontané, mais elle a aussi une dimension plus profonde, plus intense, presque borderline. Elle est hors-norme, avec une générosité de jeu et une vérité que j’ai rarement rencontrées.”
A la fin on se demande: ce serait bien d’imaginer ce que sera Sophie à Polytechnique? Aussi
Frédéric Mermoud s’intéresse à cette question. Dans le film, une voix off dit: “Vouloir changer les choses de l’intérieur”. “Comment parvient-on à préserver les valeurs qui nous ont été construites face à l’épreuve du réel?”
LA VOIE ROYALE France, 1h47 – au cinéma le 09 août 2023
Acteurs:
Sophie Vasseur – Suzanne Jouannet; Diane Le Goff – Marie Colomb; Claire Fresnel – Maud Wyler; Caroline Vasseur – Marilyne Canto; Hadrien Loiseau – Lorenzo Lefebvre; Laurent Vasseur – Cyril Metzger; Jules – Alexandre Desrousseaux; Gérard Vasseur – Antoine Chappey
Equipe Tecnique
Réalisation – Frédéric Mermoud; Scénario – Anton Likiernik, Frédéric Mermoud et Salvatore Lista; Image – Tristan Tortuyaux; Montage – Sarah Anderson; Musique originale – Audrey Ismaël; Production – Véronique Zerdoun, Tabo Tabo Films, et Jean-Stéphane Bron, Bande à Part
Suzanne Jouannet
Filmographie
Cinéma
Longs métrages: 2021 : Les choses humaines, d’Yvan Attal : Mila Wizman – César 2022 : César du meilleur espoir féminin pour Les Choses humaines; 2023 : La Voie royale de Frédéric Mermoud : Sophie Vasseur
Courts métrages: 2020 : Une drôle de vie, de Jean-Paul Civeyrac : Suzanne
Théâtre: 2019 : Nos idoles (ou comment piquer son titre à Christophe Honoré), mise en scène de Julie Recoing : Angelica; 2020 : H. Le reste est silence, mise en scène de Jean-Pierre Garnier : Hamlet; 2021 : C’est intéressant, mise en scène d’Igor Mendjisky : Mme Poitier et Sganarelle; 2021 : C’est toujours quand je me réveille que le monde s’endort, mise en scène de Jean-Pierre Garnier : Virginia