Festival de Cannes 2023, Compétition officielle

France – 104 minutes – au cinéma le 13 septembre 2023

Le retour de Catherine Breillat dans un film vertigineux. Léa Drucker en état de grâce. Samuel Kircher une surprise.

par Roberto Tirapelle

SYNOPSIS

Anne, avocate renommée, vit en harmonie avec son mari Pierre et leurs filles de 6 et 7 ans. Un jour, Théo, 17 ans, fils de Pierre d’un précédent mariage, emménage chez eux. Peu de temps après, il annonce à son père qu’il a une liaison avec Anne. Elle nie.

Le retour de Catherine Breillat était très attendu tant au cinéma (depuis 2013) qu’au Festival de Cannes en compétition. Réalisateur et écrivain avec une longue carrière dans laquelle se concentrent les thèmes de la sexualité féminine et des conflits entre les sexes.

La cinéaste de 75 ans, toujours dans une condition physique précaire, a été attirée par l’histoire du film danois Queen of hearts de May el-Toukhy que son ami producteur SAÏD BEN SAÏD avait tourné pour elle. Mais le film de Breillat est très différent de l’original, elle a voulu réaliser une opération sur la “beauté incandescente de l’adolescence” mais dans le film d’el-Toukhy le personnage n’est pas mineur et cet aspect était essentiel pour elle.

Le cinéaste français a également réalisé un film à suspense, où il n’y a pas de noir ni de meurtres mais où l’histoire ne sait jamais où elle veut nous emmener au-delà de la transgression d’un amour fou.

Breillat s’est certes toujours concentrée sur les pulsions sexuelles mais ce qu’elle veut nous dire, notamment dans Eté dernière, les relations sont la beauté de l’humain, selon la réalisatrice “quand on fait l’amour, c’est l’âme qui apparaît. Ce qui est ambition, c’est de révéler les visages de nos corps et d’arriver à la transmutation du trivial en divin.” Breillat filme l’extase plutôt que la jouissance, non pas les corps mais les plis des visages, une âme.

En fait, en ce sens, le travail de la directrice de la photographie Jeanne Lapoirie est fondamental car avec elle il a été possible de trouver la bonne chorégraphie pour filmer, ainsi “nous devions alors adapter la chorégraphie à leurs corps”.

Bref, Anne (Léa Druker) passe d’avocate froide, implacable dans son regard, défenseure des victimes de violences à être clairement prête à respirer le temps de l’adolescence avec un faste difficile à retrouver chez d’autres actrices. Théo (Samuel Kircher) est l’ange de la Renaissance qui crée l’ombre et la lumière du couple. Photographié avec les couleurs du Caravage qui évoquent la beauté de l’amour et de la chair, des visages allant du pâle au rose submergés d’extase. Breillat a la force de dépasser la morale sans juger. Cela dérange certes mais il n’est pas possible d’apprécier son courage.

Samuel Kircher a du charme et de la grâce, distant et opaque, un garçon/acteur redoutable, frappe l’écran, un sourire d’affiche. Léa Druker est en état de grâce, elle est un corps habillé pour être filmé. Les costumiers ont voulu qu’elle porte des robes fourreau des années 50 et 60 pour se souvenir des grandes stars, peut-être hitchochiennes, avec une douceur sans pli, des figures qui ne s’oublient jamais.

Le film se termine par 20 ans de Léo Ferré, « Et en cherchant son c ur d’enfant. On dit qu’on a toujours vingt ans… »

L’ÉTÉ DERNIER

Léa Drucker / Anne – Olivier Rabourdin / Pierre – Samuel Kircher / Théo – Clotilde Courau / Mina

Serena Hu / Serena – Angela Chen / Angela

Scénario et dialogues / Catherine Breillat, avec la collaboration de Pascal Bonitzer

D’après le film QUEEN OF HEARTS écrit par Maren Louise Kaëhne et May El-Toukhy, réalisé par May El-Thoukhy

Production / Saïd Ben Saïd – Image / Jeanne Lapoirie AFC – Montage / François Quiqueré LMA

Assistante mise en scène / Gabrièle Roux – Son / Damien Luquet, Loïc Prian, Katia Boutin, Cyril Holtz – Costumes / Khadija Zeggaï – Décors / Sébastien Danos – Maquillage / Delphine Jaffart – Coiffure / Antonia Silberti – Directeur de production / Laziz Belkaï – Directrice de postproduction / Christine Duchier – Collaboration musicale / Kim Gordon Body/Head

(Cr Ph. Pyramide Films)

(Catherine Breillat)