NOUVELLE PRODUCTION
GRIMALDI FORUM
SALLE DES PRINCES
Orchestre Philharmonique de Monte Carlo
Choeur de l’Opéra de Monte-Carlo
Choeur d’Enfants de l’Académie de Musique Rainier III
par Roberto Tirapelle
Presque quarante ans après la création de La Damnation de Faust d’Hector Berlioz, Raoul Gunsbourg, génial directeur de l’Opéra de Monte-Carlo, apportait une réponse fracassante au dilemme qui animait le monde musical du XIXe siècle : La Damnation de Faust était-elle un oratorio (légende dramatique) comme annoncé ou bien une véritable œuvre destinée au théâtre ? En mettant en scène l’œuvre de Berlioz, Gunsbourg s’affranchissait d’un tabou et accomplissait un coup de maître. La scène monégasque, connue comme un luxueux salon d’opéra où l’on pouvait admirer les plus célèbres gosiers de l’époque, se place alors au cœur de l’Europe comme un intense centre de création. L’impact de cette première mise en scène iconoclaste et fantasmagorique est tel qu’il procurera une place de choix à l’œuvre de Berlioz sur les scènes lyriques internationales.
A l’occasion du centenaire Albert Ier, il paraissait plus qu’opportun de revenir avec notre œil d’aujourd’hui sur cet évènement fondateur pour l’Opéra de Monte-Carlo
A cet égard, les considérations de Jean-Louis Grinda, metteur en scène, sont intéressantes:
“Je ne veux que Berlioz et moi !!! Impensable pour moi de quitter la direction de l’Opéra de Monte-Carlo sans avoir présenté La Damnation de Faust. Cette oeuvre fut le premier coup de génie artistique (et médiatique) de Raoul Gunsbourg qui posa ainsi la première pierre d’un règne fécond à la longueur quasi élisabéthaine.
Difficile d’en donner ici la dramaturgie, fut-ce en quelques lignes, tant l’oeuvre est vertigineuse. Le metteur en scène essaiera donc d’empoigner sa grandeur visionnaire tout en essayant d’oublier que sa première exécution concertante (1846) fût un demi succès…ou un demi-échec.
Mefistofele est un “mal nécessaire” à l’accomplissement d’un héros bien faible, il faut bien le reconnaitre. Il va créer sous nos yeux un univers factice et endormira Faust qui n’y verra goutte. Nous souvenant que cette légende dramatique fut composée juste après Le Chant des Chemins de Fer, nous y verrons un signe fort pour la course à l’abîme.
Comme Balzac ou Delacroix, Berlioz a empoigné son époque et nous a laissé ce chef d’oeuvre empreint de grandeur napoléonienne. Comme Berlioz, Gunsbourg, merveilleux affabulateur, a tenté de faire ployer le Monde devant ses idéaux.
Je pense qu’il y a réussi, mais qui s’en souvient?
Cet opuscule souhaite en témoigner avec rigueur et affection reconnaissante.”
Je pense que la mise en scène était très complexe mais les résultats étaient très qualitatifs. A commencer par la prestation de l’Orchestre et du Chœur qui sont en l’occurrence les fleurons de cette œuvre. Car c’est certainement une composition qui repose avant tout sur le Chœur. De plus, le spectacle s’est enrichi de tous les outils (chorégraphie, décor, costumes, lumières, vidéos, films) qui ont été utilisés.
Jean-Louis Grinda, réussissant à associer tradition et innovation technologique, a créé un spectacle potentiellement suggestif et passionnant. Et parce qu’il parvient à accompagner le voyage de Faust et
Méphistophélès avec des méthodes d’enchantement, de conte de fées irisé, de crudité et d’une légère ironie qui serpente toujours à travers Méphistophélès.
Maestro Kazudi Yamada a mené une exécution déterminée et raffinée, capturant la partition étincelante de Berlioz même dans les moments les plus impénétrables. L’Orchestre Philharmonique a maintenant consolidé une robustesse enviable dans tous les secteurs. Il a toujours un son clair et lumineux, peut-être plus convaincant dans les passages grandioses que dans les passages plus feutrés, mais d’une très grande qualité.
Les chanteurs invités ont tous été à la hauteur de leur tâche. Le ténor Pene Pati (Faust) se démarque assurément, lui aussi vainqueur d’Operalia, voix chaude, haut perchée et bon phrasé. Solos, duos, pianissimi ont évoqué le contexte même de l’œuvre.
La basse Nicolas Couryal fait de Méphistophélès un personnage métaphysique, ironique, superlatif, on dirait presque son fort. Maître de la scène, il maîtrise parfaitement le phrasé.
Aude Extrémo, mezzo-soprano, est une Marguerite passionnée, où elle semblait un peu terne au début et avec une belle reprise par la suite, voix douce, chant étoilé.
Del Coro a déjà été mentionné au début, mais nous le réitérons encore maintenant, une formation que Maestro Stefano Visconti a admirablement formée au fil des ans. Dans Damnation de Faust, il atteint un rôle vertigineux, illumine la scène et privilégie les nuances de l’oratorio.
Je conclurais par une considération importante sur le personnage de Marguerite di Ande Extrémo:
QUE REPRÉSENTE POUR VOUS LE PERSONNAGE DE MARGUERITE?
“C’est un personnage dont je rêve depuis longtemps. Comme c’est la première fois que je le chante, ma vision du rôle va certainement beaucoup évoluer pendant cette production. J’aime sa vulnérabilité, la façon presque inconsciente dont elle laisse la vie et les choses passer par elle sans réussir à y résister, sans les comprendre réellement. L’amour bien sûr, la passion, le rêve, mais aussi la souffrance, et même sa propre brutalité, sa propre monstruosité.
Cette humanité me touche, me la rend proche, cela me rappelle que tout est possible chez un être humain, aussi respectable qu’il soit. Le désespoir, le désir aveugle, le meurtre, la violence, l’infinie tristesse, la peur peuvent côtoyer le courage, la beauté, la pureté, l’amour, l’intégrité, la tendresse, dans un même être, en même temps.”
Direction musicale Kazuki Yamada
Mise en scène Jean-Louis Grinda
Chorégraphie Eugénie Andrin
Décors Rudy Sabounghi
Costumes Jorge Jara
Lumières Laurent Castaingt
Création vidéos Julien Soulier
Films Gabriel Grinda
Chef de chœur Stefano Visconti
Etudes musicales David Zobel
Assistante à la mise en scène Vanessa d’Ayral de Sérignac
Assistante aux costumes Uta Baatz
Marguerite Aude Extrémo
Faust Pene Pati
Méphistophélès Nicolas Courjal
Brander Frédéric Caton
Une voix céleste Galia Bakalov
EXPOSITION RAOUL GUNSBOURG
Les Années Gunsbourg à Monte-Carlo (1892 – 1951)
Pour la première fois en Principauté, une exposition lui sera dédiée du 13 au 27 novembre 2022 dans l’espace Indigo du Grimaldi Forum.
Entrée libre, de 12h à 19h.