Festival de Cannes 2025 – Hors Compétition – Francia, 2024, 124 minutes.

Avec Suzanne Lindon, Abraham Wapler, Julia Piaton, Zinedine Soualem, Vincent Macaigne, Paul Kircher, Vassili Schneider, Sara Giraudeau, Cécile de France.

(édité par Roberto Tirapelle)

Cédric Klapisch continue de réaliser des films brillants, avec un goût raffiné pour l’histoire et la comédie. Une distribution exceptionnelle, pour les jeunes comme pour les moins jeunes.

SYNOPSIS: Aujourd’hui, en 2025, une trentaine de personnes issues d’une même famille apprennent qu’ils vont recevoir en héritage une maison abandonnée depuis des années. Quatre d’entre eux, Seb, Abdel, Céline et Guy sont chargés d’en faire l’état des lieux. Ces lointains « cousins » vont alors découvrir des trésors cachés dans cette vieille maison. Ils vont se retrouver sur les traces d’une mystérieuse Adèle qui a quitté sa Normandie natale, à 20 ans. Cette Adèle se retrouve à Paris en 1895, au moment où cette ville est en pleine révolution industrielle et culturelle. Pour les quatre cousins, ce voyage introspectif dans leur généalogie va leur faire découvrir ce moment si particulier de la fin du XIXe siècle où la photographie s’inventait et l’impressionnisme naissait. Ce face à face entre les deux époques 2025 et 1895 remettra en question leur présent et leurs idéaux et racontera le sens de : La venue de l’avenir.

Cédric Klapisch, réalisateur, scénariste et producteur français, présente son quinzième long métrage et, malgré ses trente ans de carrière, c’est la première fois qu’il présente un film au Festival de Cannes, bien que hors compétition.

Après des études de philosophie et un master de cinéma à Paris, il intègre la Graduate Film School de New York, où il obtient un master of Fine Arts de 1983 à 1985. Après de nombreux courts métrages comme directeur de la photographie puis comme réalisateur, il tourne Ce qui me mout (1989), primé dans plusieurs festivals (Cannes, section Perspectives) et nommé aux César. Il réalise son premier long métrage, Riens du tout, en 1991, nommé aux César en 1992. La même année, il tourne un téléfilm, Le Péril jeune, sorti en salles en 1995.

En  2018 Il participe activement au débat public sur les moyens de sortir de la crise climatique.  En 2023, il apporte son soutien au mouvement contre le projet de réforme des retraites à travers un texte collectif s’adressant au chef de l’État.  

L’intérêt de ce film magnifiquement réalisé réside dans l’imbrication de deux époques, celle d’aujourd’hui et celle de 1895, deux périodes historiques où sont apparus des événements et des inventions qui allaient façonner l’histoire. La fin du XIXe siècle a en effet marqué les débuts de l’électricité, de la photographie, de l’évolution de la peinture et du cinéma. Aujourd’hui, nous avons les médias, les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle. Et au-delà de toute cette tourmente, deux familles, deux généalogies aux élans respectifs, s’affrontent.

Et l’héritage et les conditions de succession entrent également en jeu. Ce thème, lui aussi, n’était pas facile à organiser, à faire interagir les concepts et les sentiments des personnages.

Dès le début, le réalisateur affirme avoir entrepris des recherches approfondies sur l’impressionnisme avec son scénariste Santiago AMIGORENA. Ils ont visité de nombreux musées et consulté des documents. L’un des livres les plus intéressants était Scènes de la vie de Bohême d’Henri Murger. Cédric Klapisch déclare :“Je crois, le premier livre à évoquer ces jeunes artistes estús de province et qui menaient, à Montmartre, cette fameuse vie de bohème.” Ils se sont prodigué une vaste collection d’informations, de la littérature à l’iconographie. Car le film, en effet, montre des peintures et des photographies. Au début du XXe siècle, beaucoup de choses ont changé à Paris.

Pourquoi les débuts de la photographie sont-ils si importants dans ce film? Klapisch explique : « J’ai commencé à prendre des photos à 12 ans. J’étais photographe avant même de penser à faire du cinéma. Pourtant, faire du cinéma est indissociable de ma connaissance de la photographie ! »

Et puis il y a la quête du passé : tout comme la redécouverte historique l’a été pour le réalisateur et scénariste, les quatre cousins ​​partent en quête de leurs origines. La redécouverte de Paris avec les photographies d’Eugène Atget et de Charles Marville, et les débuts du cinéma en 1895 : on évoque les projections organisées par les frères Lumière dans le Salon Indien du Grand Café du boulevard des Capucines… Mais à quoi tout cela servira-t-il ? On se demandait alors. Ou, comme lorsque Monet peignit « Les Nymphéas » ou « Impression, soleil levant », à qui servirait-il ? Aujourd’hui, à qui servira l’intelligence artificielle ? Autant de concepts qui ont certainement séduit le réalisateur, qui en a fait la substance du film.

Étant donné qu’il s’agit en partie d’un film d’époque, il est plus coûteux que les précédents films de Klapisch. Le réalisateur commente d’ailleurs : « Avoir 80 figurants en costumes de 1895, c’est très cher. Car il ne suffit pas de 80 costumes : il faut des coiffeurs, des maquilleurs et des costumiers.»

On ne peut oublier les séquences tournées dans le bistrot montmartrois « Le Rat Mort », reconstituées en studio, où le travail est plus concentré et les acteurs plus immergés dans leurs rôles.

On retrouve dans ce film l’admiration du réalisateur pour la jeunesse et sa capacité à s’ouvrir au changement. Et, de fait, la distribution d’excellents acteurs, si enthousiastes et si en mouvement, qui compose le film, détermine l’énergie du résultat.

Tout comme, d’une manière différente, les personnages d’aujourd’hui, bien que plus standardisés dans un climat moderne préétabli, le réalisateur déploie de multiples nuances d’humour anxieux.

Les Acteurs de 1895

Suzanne Lindon incarne Adèle. Actrice, scénariste et réalisatrice française, elle est jeune, mais a déjà entamé une carrière intéressante avec ses débuts dans Graine de Printemps, qu’elle a réalisé, écrit et interprété, et qui a été primé dans plusieurs festivals. Elle a travaillé avec Valeria Bruno Tedeschi sur Les Amandiers.

Klapisch commente Suzanne : « Nous avons envisagé une vingtaine d’actrices pour le rôle d’Adèle, et Suzanne Lindon s’est clairement démarquée, mais je n’ai découvert à quel point cette époque lui allait bien qu’en voyant sa coiffure et ses costumes.» Elle portait avec calme et patience son imposant chignon de 1890, son corset et sa célèbre robe rouge signée Pierre-Yves Gayraud. À en juger par son interprétation, il est clair qu’elle était le reflet fidèle de son époque.

Sur le bateau sur la Seine, elle rencontre Anatole (Paul Kircher) et Lucien (Vassili Schneider).

Paul Kircher joue Anatole. Acteur français, connu grâce à son rôle dans Le Lycéen de Christophe Honoré, qui hemet de décrocher la Coquille d’argent du meilleur acteur du festival de Saint-Sébastien. En 2022 et 2023, il est nominé aux César dans la catégorie du meilleur masculin pour ses rôles dans les films Le Lycéen et Le Règne animal. Bref, un homme jeune mais talentueux qui est peintre du cinéma, très artistique et timide. Bravo.

Vassili Schneider incarne Lucien. Acteur et producteur canadien, il mène déjà une carrière florissante. Nous l’avons récemment rencontré dans Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi et dans Le Comte de Monte-Cristo, où il incarne Albert de Morcerf. Dans ce film, Lucien incarne un photographe résolument tourné vers l’avenir. Il planifie comme un homme moderne, tout en s’intégrant parfaitement à la fin du XIXe siècle. Bravo.

Sara Giraudeau incarne Odette. Actrice française, dont nous avons déjà parlé, elle est aujourd’hui extrêmement célèbre au théâtre et au cinéma. Dans le film, Odette joue la mère d’Adèle et devait avoir l’âge approprié pour la naissance de sa fille, vers 18 ans. Elles ont trouvé un accord parfait, même au niveau vestimentaire.

Acteurs d’aujourd’hui

Zinedine Soualem incarne Abdelkrim. Acteur franco-algérien de 68 ans, il mène une longue carrière au théâtre et au cinéma. Ami de longue date de Klapisch, il incarne un enseignant et transmet une grande émotion. Vers la fin du film, il retourne à l’école et est accueilli par les applaudissements prolongés de ses élèves. C’est sans doute un hommage du réalisateur à l’acteur, mais aussi un hommage à l’éducation.

Abraham Wapler incarne Seb. Acteur français de 28 ans au parcours passionnant, il incarne parfaitement la nouvelle génération de jeunes connectés. Ce rôle marque la transition d’une ère 2.0 superficielle vers un réalisateur aspirant à devenir un véritable artiste.

Julia Piaton incarne Céline. Une actrice française remarquable, qui travaille depuis 2006. Dans le film, elle semble avoir une vie épanouie, un bon travail, mais en réalité, elle manque de motivation. Et lorsqu’elle se lie d’amitié avec ses cousins, elle se transforme. C’est un bel exemple de changement.

Vincent Macaigne incarne Guy. Acteur, metteur en scène, auteur de théâtre et réalisateur français,  il collabore au cinéma avec plusieurs artistes importants de la jeune génération de cinéastes français, présenté dans Les Cahiers du Cinéma en avril 2013 et révélé au grand public au Festival de Cannes 2013. Et puis, il mène une brillante carrière. On pense qu’il a beaucoup apprécié le personnage car il est drôle. Il a créé une complicité avec les autres membres de la famille et ils ont tous été conquis.

Cécile De France incarne Calixte. Actrice belge très célèbre, elle a notamment remporté le César de la meilleure actrice pour L’Auberge espagnole, celui de la meilleure actrice dans un second rôle pour Les Poupées russes et cinq nominations au César de la meilleure actrice. Dans le film, elle est historienne de l’art passionnée d’impressionnisme. Amie d’Abdelkrim, ce dernier lui rend visite pour s’enquérir d’un tableau… Ensemble, ils mènent une sorte d’enquête artistique. C’est la quatrième fois que Cécile et Cédric travaillent ensemble, et malgré leurs petits rôles, on perçoit une belle amitié entre eux et le groupe.

Costumes

Pierre-Yves Gayraud, costumier français, possède une vaste expérience du cinéma, et Klapisch avait déjà travaillé avec lui. Il possède une expertise considérable en costumes du XXe siècle. Il a travaillé avec une précision extrême, comme le dit d’ailleurs le réalisateur : « Il a une connaissance extrêmement précise de ce à quoi ressemblait une chemise d’homme ou un décolleté de femme à ces deux dates, avec tous les accessoires associés : boutons de manchette, cravates, nœuds, cols… Et pour les femmes, je ne les mentionne même pas ; c’est encore plus complexe avec les corsets, les manches bouffantes, les chapeaux, etc.» Il a également exigé une grande expertise logistique pour l’organisation des figurants.

Images

Alexis Kavyrchine, directeur de la photographie français ayant déjà réalisé de nombreux films, a longuement collaboré avec le réalisateur avant de commencer le film, utilisant des photos autochromes pour recréer la qualité de la photographie numérique. Dès les premières séquences, elles s’inspirent des peintures et des couleurs de Monet et de la qualité « autochrome » révélée par Lumière, Lartigue et Ducos du Hauron.

Musique

Robin Coudert, compositeur, musicien et producteur français, est principalement connu pour son travail dans les domaines de la musique électronique, de la musique de film et de ses collaborations scéniques. Pour le film, il a mêlé de la musique de la fin du XIXe siècle, principalement Debussy, qui s’intègre parfaitement à l’esprit impressionniste et à une approche contemporaine, loin de la pop ou du hip-hop. Bravo !

Décors

Marie Cheminal, chef décoratrice et décoratrice d’ensemble. Elle ne pouvait certainement pas être oubliée. Connue surtout pour L’auberge espagnole (2002), Le goût des autres (2000) et Paris (2008), il a fait un travail extraordinaire pour le film. Ni léchée, ni trop moderne, une France en marche.

LA VENUE DE L’AVENIR Un film de Cédric Klapisch

Fiche technique
Scénario : Cédric Klapisch et Santiago Amigorena
Musique : Rob
Photographie : Alexis Kavyrchine
Montage : Anne-Sophie Bion
Décors : Marie Cheminal
Costumes : Pierre-Yves Gayraud
Production : Cédric Klapisch, Bruno Lévy
Sociétés de production : Ce qui me meut, en association avec 9 SOFICA

(cr ph StudioCanal)