dernière production de Jean-Louis Grinda qui a dirigé l’Opéra de Monte-Carlo pendant 15 ans.

(photo, Léo Delibes en 1888, credit, Bibliothèque nationale de France)

par Roberto Tirapelle

Lakmé est un opéra en trois actes de Léo Delibes sur un livret en français d’Edmond Gondinet et Philippe Gille d’après le roman de Pierre Loti, Rarahu ou le Mariage de Loti (1880), et inspiré des récits de voyage de Théodore Pavie, créé le 14 avril 1883 à l’Opéra-Comique de Paris.

Origines et création

Le sujet de l’opéra fut suggéré à Delibes par Gondinet pour la soprano américaine Marie van Zandt que le librettiste avait entendue dans Mignon. Le librettiste s’inspira également des récits de voyage de Théodore Pavie. Delibes écrivit la partition entre 1881 et 1882. Comme nombre d’opéras français de l’époque (Les Pêcheurs de perles de Georges Bizet, Le Roi de Lahore de Jules Massenet, etc.), Lakmé traduit l’orientalisme en vogue à la fin du xixe siècle. D’ailleurs, le duetto du premier acte de Lakmé, communément appelé “duo des fleurs”, peut se comparer au duo Sita-Khaled du deuxième acte du Roi de Lahore.
L’opéra fut produit le 14 avril 1883 à l’Opéra-Comique de Paris. Il atteignit sa 500e représentation le 23 juin 1909 et 1000e le 13 mai 1931. La 1500e devait être réalisée par Mado Robin en 1960 mais elle fut emportée par un cancer généralisé, laissant donc la place à Mady Mesplé.
Une série de représentations fut donnée en 1908 au Théâtre de la Gaîté-Lyrique avec Alice Verlet, David Devries et Félix Vieuille.

Argument

L’histoire se déroule à la fin du XIX siècle sous la domination britannique en Inde. Beaucoup d’hindous ont été contraints par les Britanniques à pratiquer leur religion en secret.

Notes d’écoute

La version de concert jouée les 9 et 11 décembre 2022 à Monte-Carlo à l’Auditorium Rainier III n’a certes pas diminué la hauteur de l’effectif orchestral désormais bien installé et de la distribution artistique toute concentrée sur une partition exigeante.
A notre avis la composition de Delibes n’est certainement pas la meilleure musique française avec de grands auteurs. Cependant, il convient également de noter que Lakmé ne reflète pas les caractéristiques typiques de l’opéra de l’époque, il introduit le genre de la comédie lyrique. La forme et le style reflètent la mode de l’exotisme, l’orchestration agréable a fait la fortune de Delibes. Cependant, sa partition n’est pas toujours riche en timbres, l’inspiration se concentre sur les couleurs orientales qui sont utilisées dans les prières, dans les sortilèges, dans les danses, dans les couleurs des marchés.

(Sabine Devieilhe, cr ph Alain Hanel,OMC)

Le casting est incontestablement d’une grande valeur. A commencer par soprano Sabine Devieilhe (Lakmé), désormais spécialiste de ce personnage depuis ses débuts à l’Opéra-Comique en 2014. Et elle le reprend avec une fraîcheur absolue en mêlant la poétique de la fille de Nilakantha, un brahmane, et sa détermination. Lakmé a une histoire fascinante à l’Opéra de Monte-Carlo. La dernière production remonte à 1986, mais a vu le jour en 1946 avec Lily Pons, soprano française à la colorature exceptionnelle, et dont Lakmé devient l’un de ses points forts avec Lucia di Lammermoor. Puis il y eut d’autres représentations entre 1950 et 1959 avec l’une des sopranos coloratures les plus importantes de l’époque Mado Robin qui interpréta Lakmé, dit-on, pour 1500 représentations. Cependant, la première à l’Opéra de Monte-Carlo est le 21 février 1885, deux ans après la création à l’Opéra-Comique de 1883.
Aujourd’hui nous avons Sabine Devieilhe comme point de référence et la standing ovation que lui a faite le public confirme ce résultat.

À côté d’elle se trouve Fleur Barron (Mallika, sa servante), mezzo-soprano singapouro-britannique, saluée par le Boston Globe comme une “star charismatique”. Elle est la bonne artiste pour chanter “Duo des fleurs” avec Sabine Devieilhe. Elle apporte une lueur chaleureuse, une fluorescence charnelle dans un moment purement céleste. Fleurs contre fleurs, papillons contre papillons comme dans une fresque de Puccini.

Un autre artiste intéressant est Cyrille Dubois (Gérald, officier britannique), un des meilleurs ténors Français de sa génération. La ductilité de son timbre, sa maîtrise des nuances et son infini musicalet se marie romantiquement dans ses duos avec Lakmé et repose sur l’orchestre brodant des mélodies délicieusement françaises. Ce n’est certes pas le ténor italien comme on a l’habitude de le définir en Italie, une voix chaude, riche, pleine mais dans une œuvre comme Lakmé c’est l’artiste parfait.

(au centre de la photo Cyrille Dubois, cr. Alain Hanel , OMC)
(Lionel Lhote, cr. Alain Hanel, OMC)

Un personnage puissant est Lionel Lhote (Nilakantha, le Brahmane), baryton belge, il émerge sur scène avec une voix puissante et royale, une autorité qui s’adoucit dans les duos avec sa fille, sentiment et douceur, sans renoncer à sa profondeur irrépressible.

Le trio de personnages féminins mineurs est une palette de couleurs, dès les vêtements : Erminie Blondel (Ellen, fille du gouverneur), soprano, vêtue de rouge ; Charlotte Bonnet (Rose, amie d’Ellen); soprano, vêtue de rouge ; Svetlana Lifar (Maîtresse Bentson, gouvernante d’Ellen), mezzo-soprano. Toutes des voix vibrantes, aux couleurs pastel. Bonbons de Lakmé.

Autre artiste significatif, Pierre Doyenne (Frédéric, officier britannique), baryton belge, personnage non secondaire entre son confrère Gérald et Nilakantha. Sa voix donne corps et profondeur aux moments les plus fugaces de ses interlocuteurs et de l’histoire.

La direction musicale est confiée à Laurent Campellone, naturellement spécialiste du répertoire français. Il a réussi à équilibrer toutes les parties orchestrales, à contenir la partition savante de Delibes et sa structure musicale parfois redondante. Il introduit une dynamique astucieuse du geste et de l’interprétation pour ne pas submerger le chant et séduit certains musiciens d’orchestre pour des solos très purs, comme un hautbois, une clarinette et surtout la première violoniste Liza Kerob qui parvient à interpréter la douceur et la langueur de la fille fleurie Lakmé.

(Laurent Campellone, cr Opéra Monte-Carlo)

Le chœur toujours préparé par Stefano Visconti est sous-utilisé dans cette œuvre mais a toujours sa place non négligeable dans l’équipe de l’Opéra de Monte-Carlo.

Accueil triomphal et maintenant le relais de l’Opéra passe à Cecilia Bartoli. que d’après les résultats de la billetterie, sa saison semble déjà épuisée.

Auditorium Rainier III

09 décembre 2022 20:00:00 – 11 décembre 2022 15:00:00

Sabine Devieilhe | Lakmé 
Cyrille Dubois | Gerald
Fleur Barron | Mallika
Pierre Doyen | Frederick
Lionel Lhote | Nilakantha
Erminie Blondel | Ellen
Charlotte Bonnet | Rose
Svetlana Lifar | Mistress Benson
Matthieu Justine | Hadji

Laurent Campellone | direction
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo
Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo | direction Stefano Visconti

Studi musicali Kira Parfeevets

(l’équipe de Lakmé, cr ph Erminie Blondel, facebook)