Une histoire de routine mais avec de nombreux points forts

Blanche (Virginie Efira) tombe amoureuse sous le joug de Grégoire (Melvil Poupaud), prince noir: “Il était infiniment tendre… Je l’aimais à la folie…”

par Roberto Tirapelle

SYNOPSIS: Quand Blanche croise le chemin de Grégoire, elle pense rencontrer celui qu’elle cherche. Les liens qui les unissent se tissent rapidement et leur histoire se construit dans l’emportement. Le couple déménage, Blanche s’éloigne de sa famille, de sa sœur jumelle, s’ouvre à une nouvelle vie. Mais fil après fil, elle se retrouve sous l’emprise d’un homme possessif et dangereux.

(cr.ph 2023 Rectangle Productions – France 2 cinèma – ph. Thibault Grabherr)

Peut-être d’une réalisatrice comme Valérie Donzelli, avec une filmographie très intéressante derrière elle, beaucoup attendaient plus que l’aboutissement de L’amour e les forêts, film somme toute pas tout à fait abouti et présenté cette année à Cannes en Section Officielle comme Cannes Première. En réalité, le film a de nombreux indices cinématographiques notables.

Certes l’intrigue aujourd’hui est routinière, l’emprise et la violence contre les femmes, mais aussi bien le livre dont elle s’inspire vaguement (le roman d‘Éric Reinhardt, ” L’amour et les forêts” publié aux Éditions Gallimard, récompensé en 2014 du Prix Renaudot des Lycéens et du Prix du Roman France Télévisions) à la fois le film a des implications inédites sur les conditions des personnages et la mise en scène de Donzelli se déplace dans les zones grises de la victime et de l’agresseur. Le réalisateur fait un travail passionnant d’interprétation des événements en cours.

Ecrit conjointement avec Audrey Diwan (scénariste et réalisatrice, Lion d’or à Venise avec L’événement), le film reflète la force inquiétante des deux créateurs et il s’ensuit que Valérie Donzelli le verse alors dans l’esthétique cinématographique, marginalisant la narration chronique. Bien que la réalisatrice soit issue d’une filmographie romantique même si pleine de détails, ici l’histoire devient comédie, thriller, horreur, parfois déplaisante, elle veut impliquer le spectateur.

Pour le choix des deux interprètes, Virginie Efira et Melvil Poupaud, je laisserais la synthèse à deux propos du réalisateur:

“J’ai choisi Virginie avant même de commencer l’écriture, je n’ai imaginé qu’elle dans ce rôle. C’est une actrice qui génère de l’empathie, quoi qu’elle fasse, quel que soit le personnage qu’elle incarne. Elle pourrait jouer le pire des monstres, on l’aimerait quand même, au moins un peu. Et cette empathie était cruciale dans le rapport au spectateur. Juste avant le confinement, je lui ai offert le roman en disant que j’aimerais l’adapter pour elle. Elle l’a aimé et a tout de suite accepté le rôle. En revanche, je n’avais personne en tête en écrivant le personnage de Lamoureux. Et puis un jour Melvil Poupaud a surgi et m’est apparu comme une évidence. J’ai regardé des photos, je l’ai trouvé beau, et je me suis souvenu combien il était génial dans GRÂCE À DIEU de François Ozon. J’en ai parlé à Virginie qui a tout de suite été enthousiaste. Melvil en Grégoire Lamoureux, je trouvais ça inattendu, il n’avait jamais eu ce genre de rôle. Il a accepté immédiatement et a pris à bras le corps, avec joie, ce personnage « monstrueux » tellement éloigné de lui. “

Comment les avez-vous dirigés sur le plateau?

“Ça n’était pas compliqué. Je savais que l’un et l’autre avaient parfaitement compris le scénario, le film, qu’il n’y aurait rien à leur expliquer et que je pourrais me concentrer sur la mise en scène. D’ailleurs, nous n’avons pas fait la moindre lecture avant le premier jour de tournage. Melvil est d’une précision absolue, il comprend tout de suite ce qu’on lui demande et l’exécute à la perfection. S’il doit faire une entrée de champ compliquée, on sait qu’il va la réussir à la seconde près. Virginie a une approche complètement différente, elle cherche l’incarnation, le naturel. Je ne sais pas comment elle fait mais le résultat est magique, cela reste un mystère pour moi. Sa photogénie aussi est spectaculaire. Elle est solide, exigeante aussi et se connaît très bien. Ils se complètent très bien tous les deux. Je n’ai jamais eu à refaire une prise « à cause » des acteurs mais seulement parce que moi je cherchais quelque chose. “

Au fond on voudrait dire que Virginie Efira a toujours une grande force d’empathie, elle implique le spectateur; Melvil Popaud fait face à une position où il ne se place normalement pas, mais parvient à transformer l’homme pacifique en un personnage violent à la limite de l’obscurcissement. Tous deux aidés aussi par l’image de Laurent Tangy et la maîtrise des personnages de Valérie Donzelli.

Signalons enfin une séquence intermède qui façonne peut-être le deuxième mot du titre du film “les forêts”, interprété par le célèbre musicien Bertrand Belin. Un passage éphémère mais qui évoque les rêves d’amour de Blanche (Virginie Efira). Virginie Efira joue aussi parfaitement sa belle-sœur Rose Renard.

(Valérie Donzelli, cr. ph. Christine Tamalet)

Valérie Donzelli est une actrice, scénariste et réalisatrice française.
Elle débute en 2001 comme actrice avec Martha… Martha de Sandrine Veysset, avant de devenir réalisatrice. Son premier long métrage, La Reine des pommes, sort en 2009. Son second long métrage, La guerre est déclarée (2011), rencontre un succès avec 850 000 entrées en France et le grand prix du Festival du film de Cabourg. Elle réalise ensuite Main dans la main (2012). En 2015, elle réalise Marguerite et Julien à partir du scénario écrit par Jean Gruault pour François Truffaut. Le film fait très peu d’entrées (25000 entrées en France). Après cet échec commercial elle réalise Notre dame en 2019. En 2021, elle co-réalise avec Clémence Madeleine-Perdriat sa première série Nona et ses filles. Cette série diffusée par Arte raconte l’histoire de Nona (interprété par l’actrice Miou-Miou) une militante féministe, par ailleurs mère de triplées et responsable de Planning familial, tombe enceinte à 70 ans. Elle y joue d’ailleurs le rôle de George Perrier, la fille d’Elisabeth Perrier dite Nona.

L’AMOUR ET LES FORÊTS un film de Valérie Donzelli

Cast Technique

Produit par Alice Girard & Edouard Weil
Image Laurent Tangy
Décors Gaëlle Usandivaras
Costumes Nathalie Raoul
Son André Rigaut
Montage son Simon Poupard, André Rigaut
Mixage Emmanuel Croset
Montage Pauline Gaillard
Musique Gabriel Yared
1 assistant-réalisateur Fabrice Camoin
Direction de production Médéric Bourlat

Au cinèma le 24 mai.

DISTRIBUTION FRANCE DIAPHANA DISTRIBUTION

(Cinèma Les Arcades, Cannes)