Festival de Cannes 2023 – Cannes Première

Un film intimiste, fragile et romantique qui frise la tragédie. Les interprètes enrichissent l’esthétique de l’acteur.

par Roberto Tirapelle

SYNOPSIS: 1947. Sur une plage normande, Madeleine, serveuse dans un hôtel restaurant, mère d’un petit garçon, fait la connaissance de François, étudiant riche et cultivé. Entre eux, c’est comme une évidence. La providence. Si l’on sait ce qu’elle veut laisser derrière elle en suivant ce jeune homme, on découvre avec le temps, ce que François tente de fuir en mêlant le destin de Madeleine au sien…

Katell Quillévéré, réalisatrice, scénariste et costumière française, réalise son quatrième long métrage avec “Le temps d’aimer”. Originaire de Côte d’Ivoire, elle a également été co-fondatrice du festival du cinéma de Brive, consacré aux moyens métrages uniquement européens. En tant que scénariste, il a derrière lui un nombre considérable de 11 films et on se souvient du succès d’au moins deux films, “Un poison violente” consacré aux thèmes de l’adolescence, des émois amoureux et de la religion catholique, il revient sur la rupture avec cette foi catholique, élément important de son milieu familial. Film qui reçoit le Prix Jean-Vigo. Et “Suzanne” che met en scène l’histoire d’une jeune femme sanscellenti histoires qui tombe amoureuse d’un délinquant jusqu’à devenir elle-même hors-la-loi. Très bien accueilli à Cannes en 2013.

Avec “Le temps d’aimer”, la réalisatrice s’inspire en partie de son histoire familiale pour raconter l’histoire d’amour d’un couple qui transporte des secrets avec lui dans la France puritaine et homophobe de l’après-guerre. Katell Quillévéré bénéficie également de deux excellentes performances, celles d’Anaïs Demoustier et Vincent Lacoste.

Pour la réalisatrice, l’inspiration du film était l’histoire de sa grand-mère, qui avait découvert tardivement que pendant l’occupation elle avait eu une relation avec un soldat allemand et qu’elle avait donné naissance à un enfant. Après quelques années, elle épousa son grand-père et adopta son fils. Au cours des années suivantes, ils ont toujours prétendu qu’il était leur fils biologique.

Au début de l’écriture du film, le réalisateur déclare: “J’ai écrit le scenario avec Gilles Taurand avec qui j’avais déjà adapté “Réparer les vivants”, le roman de Maylis de Kérangal. Au cœur de notre désir d’écriture, il y avait la question du couple et son mystère.”

Le décor du film est centré sur les années 1950, une époque d’après-guerre pleine de blessures, de secrets, de remords, et aussi très puritaine. Ainsi les thèmes chers au réalisateur sont le mensonge, l’amour, la honte, le sexe. “Le temps d’aimer” s’ouvre sur des images en noir et blanc de la Libération, des femmes humiliées, rasées, nues. Passons ensuite à la fiction en noir et blanc où une femme s’enfuit et court dans un village de Bretagne, tentant d’effacer une croix gammée de son ventre de femme enceinte. Ce sont déjà 5 minutes fortes et tragiques puis la nouvelle séquence s’ouvre en couleurs sur la plage où Madeleine poursuit son fils Daniel. François le reprend et de là naît une “folie à deux” comme l’écriture de Roland Barthes.

François est un garçon de bonne famille, cultivé, étudiant l’archéologie à la Sorbonne. Il boite car il souffre de polyhémylite. Ils se marient et partent vivre à Paris et pour Madeleine elle échappe apparemment aux souvenirs. Pourtant, François y retrouve un ami de la Sorbonne, ancien détenu pour folie. Il met le feu à leur appartement et ils doivent déménager à Châteauroux où une annonce dans une salle de bal propose un poste de direction. Madeleine est attirée par les salles de danse et de concert. Pendant ce temps, Daniel porte toujours avec lui une photographie d’un soldat de la Wehrmacht. Il a grandi et est rejoint par une petite sœur. A Châteauroux il y a toujours de la musique et du jazz, ce qui perturbe les études de François. Le couple rencontre Jimmy, un soldat américain expert en cocktails et qui n’aime pas l’armée. Le trio va tomber dans une relation à trois qui fera s’effondrer leurs secrets. François va devoir révéler son homosexualité. Ils retournent à Paris, où François, aujourd’hui professeur à la Sorbonne, est attiré par un étudiant. Les histoires d’amour s’ouvrent aussi à des spirales tragiques, surtout lorsque la honte prend le dessus.

Katell Quillévéré aime la romance et les possibles destins angoissés, qui rappellent les réalisateurs de l’âge d’or du mélodrame comme Douglas Sirk des années 1950 ou le plus moderne Tod Haines. Mais son film n’est pas qu’un mélodrame. Le directeur déclare “cette histoire est loin de n’être qu’un mélo. Le film est d’ailleurs étonnamment varié dans ses registres… Ce film est une variation autour du genre du mélodrame. Tout ce qui constitue l’ADN du genre y est présent: des personnages qui s’unissent alors que tout les oppose, un récit romanesque qui oscille entre moments de joie et moments de détresse, la menace
constante que la catastrophe arrive…”

Pourtant, les thèmes sont très contemporains: le mensonge, la honte, la haine. “Ça nous renvoie – dit Quillévéré – à ce que la société humaine, quelque soient les époques, fabrique de façon systémique.”

Les acteurs.
Anaïs Demoustier et Vincent Lacoste sont deux des acteurs les plus talentueux de leur génération. Le casting a été réalisé avec Sarah Teper. Le réalisateur recherchait des acteurs trentenaires. Il leur a demandé de proposer des interprétations loin de leurs clichés, il voulait les surprendre par leurs interprétations et ainsi susciter l’intérêt des spectateurs. Vincent a fait un travail de composition, à la manière d’un peintre, et a touché la vérité intime de son personnage. Anaïs a eu un rôle difficile car son personnage inspire des sentiments ambivalents. Il l’a fait sous les angles les plus intimes.

(cr ph Roger Arpajou. Les films du Belier. Les films Pelleas-Gaumont)

LE TEMPS D’AIMER

Réalisé par : Katell QUILLEVERE – Année de production : 2023 – Pays : France, Belgique – Durée: 125 min – Date de sortie : 29.11.2023

Avec  Anaïs DEMOUSTIER, Vincent LACOSTE, Morgan BAILEY, Helios KARYO, Margot RINGARD-OLDRA, Paul BEAUREPAIRE, Josse CAPET

Productions déléguées : Les films du Bélier, Les Films Pelléas – Coproductions : France 2 Cinéma, Gaumont – Production étrangère : Frakas Productions
Exportation / Vente internationale : Charades – Distribution France : Gaumont

Producteurs délégués : Justin Taurand, David Thion, Philippe Martin – Assistant à la réalisation : Nicolas Guilleminot
Producteurs étrangers : Jean-Yves Roubin, Cassandre Warnauts – Dialoguistes : Katell Quillévéré, Gilles Taurand
Ingénieur du son : Thomas Grimm-Landsberg – Scénaristes : Gilles Taurand, Katell Quillévéré
Directeur de la photo : Tom Harari – Directrice de production : Hélène Bastide
Montage : Jean-Baptiste Morin – Montage son : David Vranken – Scripte : Anaïs Sergeant – Décors : Florian Sanson
Auteur de la musique : Amine Bouhafa – Costumes : Rachèle Raoult – Mixage : Benjamin Viau – Régisseur général : Séphora Mayer