UN HÉROS de Asghar Farhadi

Le retour de Farhadi dans la société iranienne

Grand prix (ex-aequo) 2021

par Roberto Tirapelle

SYNOPSIS: Rahim est en prison à cause d’une dette qu’il n’a pas pu rembourser. Lors d’une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre le versement d’une partie de la somme. Mais les choses ne se passent pas comme prévu…

Aussi pour Asghar Farhadi Cannes porte bonheur : après “Todos lo saben” (Everybody Knows), en ouverture de la 71e édition du Festival de Cannes, Le Passé (2013), auréolé du Prix d’interprétation féminine remis à  Bérénice Bejo, Forushande (Le Client, 2016), Prix du Scénario et d’interprétation masculine, avec “Un Héros” revenir avec un quatrième film en Compétition pour le cinéaste-scénariste qui renoue le thriller psychologique. Un Héros est aussi le quatrième film d’Asghar Farhadi qu’Alexandre Mallet-Guy produit et le septième qu’il distribue en France.

En dehors de Cannes aussi “Une Séparation” est présenté au Festival de Berlin où il est plébiscité par la presse et le public. Farhadi repart avec l’Ours d’Or du meilleur film et deux Ours d’Argent pour l’ensemble des comédiens. Le film touche le public du monde entier et obtient au final plus de 70 prix internationaux.

Avec “Un Héros” Farhadi retourne en Iran pour mieux développer sa propre poétique expressive. Le cinéaste retrace le contexte d’un drame social, explorant le système administratif iranien, capable de presser les gens avec des labyrinthes de preuves à fournir en défense. Dans une telle société, le réalisateur dénonce qu’un détail transforme un héros en paria.

(nella foto, Asghar Farhadi, cr.ph. duchili)

Aspects fondamentaux de ce récit sont aussi l’emprise des réseaux sociaux. En fait, ses intentions altruistes se reflètent dans la spirale médiatique, d’abord pour en faire un héros, puis pour le brutaliser en tant que criminel. Et le spectateur regarde toujours devant la télé ou le téléphone portable avec passion, applaudissements et dédain.

Une pièce kafkaïenne que le protagoniste Amir Jadidi interprète avec une simplicité désarmante et pourtant si intense.
Peut-être y aura-t-il éventuellement une rédemption pour ce Héros?

Extraits de la Entretien avec Asghar Farhadi

Pourquoi situer cette histoire à Shiraz ?

“La réponse à cette question est donnée par le thème du film. Il y a à Shiraz de nombreux vestiges historiques, des traces importantes, glorieuses de l’identité iranienne. La raison principale du choix de cette ville est la spécificité de l’intrigue et la caractérisation des personnages. Mais il y a une raison secondaire qui était mon souhait de prendre de la distance avec le tumulte de Téhéran.”

Il y a une grande ambiguïté dans le personnage de Rahim. Par exemple ce sourire qu’il ne quitte presque jamais…

“Il me semble que l’approche réaliste du film exigeait cette complexité dans la caractérisation des personnages. Comme dans la réalité, les personnes sont faites d’une multiplicité de dimensions et dans chaque situation, l’une d’elles prend le dessus et devient plus visible. On peut dire que ce sont des personnages “gris” : ils ne sont pas stéréotypés, unidimensionnels. Comme toute personne réelle dans la vie quotidienne, ils sont faits de contrastes, de tendances antagoniques, de tiraillements au moment de leurs prises de décision. Le sourire de Rahim fait partie d’un ensemble de traits apparus progressivement au cours des mois de répétition pour chercher à définir le jeu de l’acteur qui l’incarnait, pour lui donner cette qualité de personnage “gris”, inscrit dans la vie quotidienne.”

Comme dans “Une séparation”, le regard des enfants est important…

“Dans ce film, encore une fois, les enfants sont des témoins. Ils observent les difficultés des adultes et leurs conflits. Ils ne sont pas capables d’appréhender la complexité de ces difficultés. C’est pourquoi dans ce film comme dans les précédents, les enfants sont les témoins hébétés des événements. Leur perception de la crise traversée par les adultes est purement émotionnelle. Cependant, dans ce film, Nazanin, la fille de Bahram est plus âgée que les autres enfants et elle commet un acte qui rend la situation plus complexe encore.”

UN HÉROS (GHAHREMAN – ‫قهرمان‬ ) Iran – France  –  Thriller  –  sortie le 15 décembre 2021
Réalisateur, scénario, dialogues Asghar Farhadi – Images: Ali Ghazi – Montage: Haydeh Safihiari – Son: Mahammadreza Delpak.

Cast 
Rahim: Amir Jadidi – Bahram: Mohsen Tanabandeh – Farkhondeh: Sahar Goldoost –
Nazanin: Sarina Farhadi – Mme Radmehr: Fereshteh Sadrorafaei

(Les extraits de l’interview sont repris du dossier de presse)

Cr.Ph. © Amir Hossein Shojaei