Un film physique, fait de force et d’intimité avec deux interprétations admirables.

par Roberto Tirapelle

SYNOPSIS

En couple depuis cinq ans, Ben et Laura ont décidé de faire le tour du monde en bateau. Avant d’atteindre l’Amérique du Sud, ils font un détour vers une île sauvage, près des côtes antarctiques. En pleine exploration, une tempête s’abat sur eux et leur bateau disparaît. Éloignés du monde, soudain seuls face au danger et à l’hiver qui approche, ils vont devoir lutter pour leur survie et celle de leur couple.

Thomas Bidegain n’est pas seulement un scénariste français important avec une vingtaine de films à son actif, dont sa fructueuse collaboration avec le réalisateur Jacques Adiard qui lui a valu deux César. En 2015, il réalise son premier long métrage “Les Cowboys” qui reçoit plusieurs prix. Et la même année, il participe également avec le même film à la Quinzaine des Réalisateurs. Il s’agit certainement d’une œuvre intéressante entre drame et road movie et qui s’inspire de deux westerns américains classiques “La Prisonnière du désert” de John Ford (1956) et “La Rivière rouge” de Howard Hawks (1948).

Avec son deuxième long métrage Thomas Bidegain aborde le thème du couple et de l’intimité. C’est une œuvre ambitieuse car plutôt contemplative, seuls les deux acteurs sur scène, presque pas de musique, mais le scénario et la mise en scène sont toujours pressants, la relation conjugale, bien que consolidée, s’affronte dans des désaccords, ils doivent faire face à la nécessité de leur amour et celui de la survie.

On voit que la genèse du film commence après le succès de “The Cawboys”. Le réalisateur recherchait une histoire se déroulant dans un seul lieu avec un seul personnage, voire deux. “J’étais fasciné – déclare Bidegain – par le design des bases scientifiques de l’Antarctique. Et puis en écoutant un podcast de l’émission “Le Masque et La Plume” où il était question du livre d’Isabelle Autissier, “Soudain , Seuls” quelque chose m’a frappé. J’ai été tout de suite séduit par la grande clarté de sa proposition: l’histoire d’un couple pris au piège sur une île déserte.” Certes, à notre avis, l’idée n’était pas nouvelle mais le réalisateur a voulu la situer dans un contexte plus large.

Tout d’abord, l’aventure qu’ils doivent affronter, la situation environnementale dans laquelle ils sont plongés comme le froid polaire. Le froid réduit les ressources et met à mal l’équilibre du couple. Deuxièmement, un besoin de survie nécessite d’inventer l’utilisation d’outils pour se loger et chercher de la nourriture. Troisièmement, une île polaire est plus pauvre en faune et en flore et tout devient plus insidieux. C’est alors qu’un autre aspect se dessine, le troisième personnage, celui de l’île. Et dès le début on se plonge dans les deux personnages, car Benjamin est apparemment un homme fort et rassurant mais à la fin il fait une dépression nerveuse et perd son poste de commandement, tandis que Laura qui semblait vulnérable par la suite apparaît d’une force extrême et têtue.

(accordé aimablement par “Trésor Films”)

Les acteurs.
A ce propos, les interprétations des acteurs sont également comparées où Gilles Lellouche (avec une immense filmographie) remplit l’écran de nuances pour définir l’ascension et la chute de son rôle et Mélanie Thierry (au parcours également très riche) démontre dans un son les capacités d’actrice se développent dans le drame muet.

La photographie
La photographie est cruciale : elle évolue au fur et à mesure du film car au début la lumière doit être belle car les personnages voient le paysage sans traumatisme, puis elle change lorsqu’ils deviennent prisonniers.
Bidegain déclare: “Nicolas Loir, le chef opérateur, est un passionné. Un artiste et un collaborateur infatigable. Il a su tirer parti de ces couleurs froides, de ces paysages minéraux, de cette luminosité étrange et inhospitalière. C’est aussi la lumière d’un soleil presque blanc. C’est en Islande que nous avons trouvé cet univers visuel perturbant, ce soleil presque blanc, cette luminosité qui se rapprochait de celle de l’hémisphère sud où il était trop difficile d’aller tourner.”

Les décors.
L’œuvre de François Emmanuelli est essentielle. Voici ce que dit Bidegain: “Tout ce qui apparaît à l’image a été dessiné, construit transporté. Il a fallu construire les ruines de la base baleinière, le ponton, etc, ramener dans des endroits reculés des machines qui pèsent des tonnes. Tout cela en s’adaptant à la géographie comme à la météo. Nous avons tourné dans des paysages hostiles où le vent, le froid, le sable qui nous fouettait le visage, tout semblait nous dire “Partez ! On vous accorde trois heures pour faire ce que vous avez à faire mais vous n’êtes pas les bienvenus ici !”.

Soudain seuls
avec GILLES LELLOUCHE BENJAMIN – MÉLANIE THIERRY LAURA
Réalisation : Thomas Bidegain
Scénario : Thomas Bidegain et Valentine Monteil, d’après le roman Soudain, seuls d’Isabelle Autissier
Musique : Raphael
Décors : François Emmanuelli
Costumes : Maïra Ramedhan-Levi
Photographie : Nicolas Loir
Son : Pierre André
Montage : Laurence Briaud
Production : Alain Attal, Leifur B. Dagfinnssonn et Patrick Quinet
Production exécutive : Sandrine Paquot
Sociétés de production : Trésor Films, Artémis Productions et Truenorth ; Cool Industrie ; Be TV / VOO, France 2 Cinéma, Proximus, RTBF et Studiocanal (coproductions)
Sociétés de distribution : Studiocanal (France) et O’brother Distribution (Belgique)

Pays de production : France, Belgique, Islande – 110 minutes – en salle 6 décembre 2023

(accordé aimablement par “Trésor Films”)