MARIUS” de Alexander Korda

D’après la pièce Marius de Marcel Pagnol. – France / 1931 / 130 min – Avec Raimu, Pierre Fresnay, Orane Demazis.

en salles à partir du 7 août 2024  (Cinèma Les Arcades – Cannes)

En salles la rétrospective Marcel Pagnol avec les trois premiers films restaurés de la Trilogie marseillaise

édité par Roberto Tirapelle

Synopsis: Marius est un jeune homme que la mer exalte. Il aime son père César, bourru et bonhomme, il aime aussi la petite Fanny qui vend des coquillages devant le bar de César. Depuis son enfance, l’envie de courir le monde l’enflamme. Il lutte contre sa folie. Il ne veut pas abandonner son père qui en mourrait peut-être de chagrin, ni la petite Fanny qui ne pense qu’à lui. Et pourtant la mer est là…

Libérons immédiatement quelques notes fondamentales du film: 

Le son et les voix, l’accent sont déterminants pour l’époque. La beauté de la restauration était aussi le sous-titrage français bien que le film soit en version originale française. L’historien André Bazin écrivait en 1953: “L’accent ne constitue pas, chez Pagnol, un accessoire pittoresque, une note de couleur locale, il est consubstantiel au texte et, par là, aux personnages. Ses héros le possèdent comme d’autres ont la peau noire. L’accent est la matière même de leur langage, son réalisme.”

(à gauche Raimu, à droite Alexander Korda, cr ph Paramount)

Raimu est César, patron du Bar de la Marine. E’ un des « monstres sacrés » du cinéma français des années 1930 et de la première moitié des années 1940, devenant notamment l’interprète fétiche de Marcel Pagnol. Raimu reste dans les mémoires pour son interprétation de César dans la “trilogie marseillaise”.  Dans le film Raimu est un grand comédien, il joue avec toute sa vigueur, c’est le feu qui émane du théâtre.

Pierre Fresnay est le fils de César, un acteur français très célèbre au parcours étonnant entre la Comédie française et hors Comédie, entre cinéma, télévision et radio. Rien n’a été manqué. Dans le film il adopte une interprétation sobre par rapport à ses partenaires mais qui centre son personnage.

Orane Demazis est Fanny, comédienne de longue date, l’une des interprètes les plus marquantes de Pagnol. Encore une représentation théâtrale qui se met à la même hauteur que les autres partenaires.

Fernard Charpin est Panisse, un autre grand acteur français, un autre feu théâtral.

Marcel Pagnol (1895-1974), écrivain, dramaturge, cinéaste, producteur français et académicien, est un artiste polyvalent de l’histoire intellectuelle française, peut-être moins connu hors de France.

Prémisse

Marcel Pagnol  devient célèbre avec « Topaze », comédie satirique en quatre actes, pièce créée en Allemagne en 1927, puis présentée au théâtre français en octobre 1928. Il fonde sa propre société de production et des studios de cinéma à Marseille en 1934 puis réalise de nombreux films. avec les grands acteurs de l’époque parmi lesquels on note Raimu, Fernandel et Pierre Fresnay dans des films comme Angèle (1934), Regain (1937) ou La Femme du Boulanger (1938).

(à gauche Raimu à droite Marcel Pagnol, cr ph Paramount)

A propos de « Marius » (1929), premier volet de la trilogie marseillaise qui suit Topaze, la raison d’un Provençal Marcel Pagnol en exil à Paris, nostalgique de Marseille et que son entourage aurait dissuadé d’écrire un opéra marseillais. Il existe en effet de nombreux artistes provençaux qui jouissent d’une grande popularité en France depuis l’après-guerre comme Mayol, Tramel, Raimu et bien d’autres et qui remplissent les théâtres français depuis plus de 10 ans. Le genre jouit d’une excellente presse et le producteur Oscar Dufrenne s’est spécialisé dans leur production depuis 1914 dans la quinzaine de théâtres qu’il possède, dont la moitié à Paris (Paris, Théâtre de Paris, 9 mars 1929 ; Paris, Fasquelle, 1931). Ainsi fut représenté au théâtre de Paris « Marius », un opéra en quatre actes et six scènes, avec Raimu dans le rôle de César. Nouveau triomphe pour Marcel Pagnol déjà reconnu par le succès mondial de Topaze ; Lui et Raimu seront liés pour la vie.

La trilogie marseillaise est le nom générique donné aux trois tragédies de Marcel Pagnol, Marius, Fanny et César, ainsi qu’aux adaptations cinématographiques qu’il a supervisées et dont il a réalisé le troisième volet.

(le tournage de “Marius”, 1931, cr ph Paramount)


Les premiers contacts de Pagnol avec le cinéma

Marcel Pagnol, convaincu du cinéma parlant, doit cependant apprendre les phases de réalisation d’un film. Il a commencé à travailler aux côtés du directeur de production Robert T. Kane, deux semaines après l’ouverture des studios Reservoirs construits par Paramount à Saint-Maurice. Il découvre ainsi les différents métiers, l’organisation des études et, plus tard, l’hostilité envers les auteurs, qui l’incite finalement à fonder ses propres études.

La production Paramount.

Les productions sonores de la Paramount en France ne convainquent pas et se soldent par plusieurs échecs inquiétants, mais après le succès inattendu d’un premier film français, Jean de la Lune de Jean Choux, Kane propose à Marcel Pagnol d’adapter Marius à l’écran. Après de longues hésitations, la Paramount a accepté les conditions de l’auteur. Il supervisera la production française mais devra collaborer avec un réalisateur expérimenté comme Alexander Korda.

Alexander Korda, célèbre réalisateur et producteur hongrois naturalisé britannique, a commencé à réaliser des films en 1914. Lorsqu’il a quitté son pays, il avait déjà réalisé 25 films et s’est installé à Vienne, Berlin, Paris et Hollywood. C’est à Paris qu’il entre en contact avec l’œuvre de Marcel Pagnol mais aussi bien du romancier français que de l’acteur Raimu – comme l’explique bien Hervé Pichard, responsable des collections de films à la Cinémathèque française –  “tout d’abord réticents à confier la réalisation à un étranger, certainement peu sensible à l’esprit méridional.” “Plutôt découvrent un cinéaste érudit (ricordiamo che sapeva cinque lingue correntemente, nda) , attentif et respectueux de l’adaptation proposée par l’auteur, qui apporte son savoir-faire, fait des propositions de mise en scène, tout en respectant les orientations de Marcel Pagnol.” “Malgré quelques complications techniques – continua Hervé Pichard –  liées aux prises de son direct, le tournage se déroule dans la plus grande complicité entre les deux hommes et les comédiens qui connaissent parfaitement leurs rôles.” En fait, tous les acteurs qui avaient joué le travail au théâtre sont transférés au film.

 La production de Kane respecte ses engagements et accepte le montage proposé par Korda et Pagnol, sans vraiment y croire. En réalité le film est un succès et cela pousse Pagnol à poursuivre ses projets.

(à gauche Pierre Fresnays et à droite Orane Demazis, cr ph Cinémathèque française)

La restauration de la Trilogie Marseillaise.

La Société du Film Méditerranéen et la Cinémathèque française se sont engagées en 2015 dans la restauration de la trilogie marseillaise de Marcel Pagnol. Marius, Fanny et César seront ainsi conservés dans les meilleures conditions et seront à nouveau présentés au public français et étranger pour célébrer le 120ème anniversaire de la naissance de Pagnol. Une rétrospective complète de son œuvre a également été présentée en 2016 à la Cinémathèque française. En 2015, le « Marius » restauré a été présenté au Festival de Cannes.

La restauration expliquée par la Cinémathèque française :

“Marius, Fanny et César, comme d’autres grands classiques des années 30, ont fait l’objet de rééditions régulières au fil des années, et les négatifs originaux (image et son) ont malheureusement trop souvent été manipulés. Ces éléments photochimiques originaux, sur support nitrate, sont aujourd’hui particulièrement endommagés.”

“Le négatif nitrate de Marius a été numérisé en 4K au laboratoire Digimage par immersion afin de préserver au mieux la qualité photographique des images et d’éliminer les rayures de surface. Par la suite, les défauts les plus importants (taches, déchirures…) liés à l’usure du film ont été traités image par image. Plus de 400 heures de travail ont été nécessaires pour obtenir le résultat final. La calibration proxy 2K a été supervisée par le chef opérateur Guillaume Schiffman, grand fan des films de Marcel Pagnol. Il a apporté son œil et ses connaissances techniques tout en respectant les contrastes et la densité de lumière typiques du début des années 1930 et souhaités par le directeur de la photographie de l’époque, Theodore J. Pahle.”

(“Marius”, cr ph Cinémathèque française)

MARIUS

GÉNÉRIQUE
Réalisateur : Alexander Korda
Superviseur de la réalisation : Marcel Pagnol
Scénariste : Marcel Pagnol
Dialoguiste : Marcel Pagnol
Directeur de production : Robert T. Kane
Directeur de la photographie : Ted Pahle
Compositeur de la musique originale : Francis Gromon
Décorateurs : Alfred Junge, Zoltan Korda
Monteur : Roger Spiri-Mercanton

Interprètes : Raimu (César), Pierre Fresnay (Marius), Orane Demazis (Fanny), Fernand Charpin (Panisse), Alida Rouffe (Honorine), Alexandre Mihalesco (Piquoiseau), Paul Dullac (Escartefigue), Robert Vattier (Monsieur Brun), Edouard Delmont (Le Goelec), Milly Mathis (Claudine), Quéret (Félicité), Valentine Ribe (une cliente), Lucien Callamand (le chauffeur du ferry-boat), Giovanni (l’Arabe), Gustave Huberdeau, Henri Vilbert