CANNES 2024 – GRAND PRIX – Année de production : 2024 – Pays : France, Inde, Pays-Bas, Luxembourg
Durée : 114 minutes – Date de sortie : 02.10.2024
par Roberto Tirapelle
Payal Kapadia signe un film fascinant qui entremêle mélodrame romantique et talent documentaire. C’est une œuvre très visuelle qui entraîne les trois protagonistes vers une interprétation difficile et parfaitement réussie.
SYNOPSIS
À Mumbai, le quotidien de Prabha est perturbé lorsqu’elle reçoit un cadeau inattendu de son mari parti vivre à l’étranger. Sa jeune colocataire, Anu, essaie en vain de trouver un endroit dans la ville pour faire l’amour avec son petit ami. Un voyage dans un village côtier offre aux deux femmes un espace où leurs désirs peuvent enfin se manifester.
Payal Kapadia est un réalisateur et scénariste indien originaire de Mumbai. Elle l’a étudié production au Film & Television Institute, en Inde. C’est une réalisatrice qui n’a pas une longue carrière derrière elle mais qui a réalisé des films très intenses, à tel point que ses courts métrages “AFTERNOON CLOUDS” et “AND WHAT IS THE SUMMER SAYING” ont été présentés à la Cinéfondation et à la Berlinale. Et son premier long métrage “Toute une nuit sans savoir” a été sélectionné à la Quinzaine des Cinéastes en 2021 où il a remporté L’Œil d’or du meilleur documentaire. La carrière de Kapadia dans l’industrie cinématographique indienne fait un bond en avant lorsque son deuxième film est sélectionné au Festival de Cannes 2024, où il s’agit du premier film indien en compétition depuis trente ans. Et il remporte le Grand Prix.
Le film raconte les désirs et les frustrations de trois femmes d’âges différents dans la mégalopole de Mumbai. Et le regard de Kapadia se porte dans la première partie vers l’intérieur de la ville et dans la seconde vers un village côtier. Dans les séquences que Kapadia dessine avec les trois protagonistes (Prabha est infirmière, Anu est son apprentie et Parvaty est l’une des cuisinières de l’hôpital où ils travaillent), bien qu’avec très peu de dialogue mais avec beaucoup d’intention visuelle.
Il y a d’abord une histoire politique. Le réalisateur déclare : « Le film se déroule entre les districts de Lower Parel et Dadar. Il y avait de très grandes filatures de coton là-bas jusqu’aux années 1980, date à laquelle elles ont commencé à fermer. De nombreuses personnes ont alors perdu leur emploi. Une grande partie de ces terres fut vendue aux propriétaires des filatures grâce à d’importantes subventions du gouvernement de l’époque. Alors, quand les moulins ont fermé, il était normal que les terres soient redistribuées aux familles. »
Deuxièmement, l’aspect cinématographique : « C’est assez cher de tourner à Mumbai parce que toute l’industrie cinématographique hindi y est concentrée – continue le cinéaste – nous avons tourné avec deux caméras. Nous avons utilisé la caméra principale dans les endroits où nous avions l’autorisation de filmer. Et nous avons utilisé le second, un petit et efficace Cannon EOS C70, pour les endroits où nous n’en avions pas. Nous avons agi comme si nous faisions du repérage. Les acteurs étaient prêts à jouer ce rôle car ils avaient déjà réalisé des films indépendants.
Avec ce film, la réalisatrice tente de faire ressortir les personnes qui comptent très peu dans son pays, à savoir les femmes. Et c’est justement en mêlant poésie et réalisme qu’elles construisent un univers de sentiments et de socialité que les trois femmes voudraient donner voix, dans une ville de millions d’habitants et dans une atmosphère imprégnée de culture indienne. En ce sens, le film est devenu une sorte de documentaire et Kapadia, à notre avis, s’intéresse beaucoup au mélange entre les dimensions fiction et documentaire. C’est pourquoi il est très important d’accorder une attention particulière au montage.
ACTRICES
Kani Kusruti joue Prabha, c’est une actrice indienne avec une belle carrière. En affaires depuis 2003, elle a eu sa première reconnaissance en 2009 avec “Kerala Cafe”, avec lequel elle a été très appréciée par la critique, et depuis 2019 elle a obtenu deux prix de la meilleure actrice. Elle a participé à des tournées de théâtre avec un très large éventail de comédiens. Sa performance a été très intense et il a fait face à des gros plans devant une caméra qui collecte les regards avec une grande abondance. D’ailleurs, d’après ce que l’on sait, Kani Kusruti a étudié le théâtre physique. Selon la déclaration du directeur: “On a répété les scènes ensemble avant le tournage, on a fait des lectures avec les autres acteurs, on a trouvé de nouvelles idées et on a même changé les dialogues. Je parle le hindi et le marathi, mais pas le malayalam. C’est parfois difficile de diriger des acteurs dans une langue qui n’est pas la sienne. Il faut beaucoup se fier à la gestuelle. Kani a considérablemet enrichi le personnage, elle comprenait très bien son milieu social, sa langue.”
Divya Prabha joue Anu, c’est une actrice indienne et a commencé une carrière remarquable en 2013. Elle vient aussi du Kerala, où le cinéma indépendant est en plein essor. Elle a été nominée pour un Léopard d’or au festival de Locarno en 2022. Dans « All We Imagine as Light », elle s’est vraiment identifiée au rôle.
Chhaya Kadam incarne Parvaty, une actrice indienne qui est principalement apparue dans des films marathi et hindi. Son parcours est très intéressant depuis ses débuts en 2009. Kapadia le décrit: “Elle joue souvent des femmes fortes. Elle est elle-même originaire du Ratnagiri et son village natal n’est pas très loin de là où nous avons tourné. Elle connaissait donc la situation qu’évoque le film et elle sait ce que cela représente de tenter sa chance à Mumbai et de ne pas toujours réussir. Elle connaissait l’histoire de ces femmes.”
“ALL WE IMAGINE AS LIGHT” réalisé par Payal KAPADIA
Kani Kusruti : Prabha
Divya Prabha (en) : Anu
Chhaya Kadam (en) : Parvaty
Hridhu Haroon (en) : Shiaz, le petit ami d’Anu
Fiche Technique
Musique : Topshe (Dhritiman Das)
Décors : Piyusha Chalke, Shamim Khan et Yashasvi Sabharwal
Costumes : Maxima Basu (en)
Photographie : Ranabir Das
Son : Romain Ozanne, Benjamin Silvestre et Olivier Voisin
Montage : Clément Pinteaux
Production : Julien Graff et Thomas Hakim
Production déléguée : Harshit Agrawal
Coproduction : Gilles Chanial, Ranabir Das, Frank Hoeve, Zico Maitra, Roberto Minervini, Olivier Père et Denise Ping Lee
Sociétés de production : Petit Chaos (France), en coproduction avec Chalk and Cheese (Inde), Another Birth (Inde), Arte France Cinéma (France), Baldr Film (Pays-Bas), Les Films Fauves (Luxembourg) et Pulpa Film (Italie)
Sociétés de distribution : Condor Distribution (France) ; September Film (Pays-Bas)
(cr ph Condor Films)