Un mélodrame sur l’enfance, des retrouvailles entre Paris et l’Afrique de l’Ouest, un coup au cœur.
par Roberto Tirapelle
Festival de Cannes 2023, Semaine de la Critique, film d’ouverture
au cinéma le 30 août 2023 – France, 1h24
SYNOPSIS
Cléo a tout juste six ans. Elle aime follement Gloria, sa nounou qui l’élève depuis sa naissance. Mais Gloria doit retourner d’urgence au Cap-Vert, auprès de ses enfants. Avant son départ, Cléo lui demande de tenir une promesse : la revoir au plus vite. Gloria l’invite à venir dans sa famille et sur son île, passer un dernier été ensemble.
Marie Amachoukeli, bien qu’en étant à son deuxième long métrage, a déjà une bonne expérience cinématographique avec les courts métrages depuis 2008. On se souvient surtout de Party Girl (2014) avec Claire Burger et Samuel Theis, tous merveilleux qui ouvraient un Certain Regard à Cannes, il a mérité une Caméra d’or et deux nominations aux César en 2015. Mais aussi le court métrage d’animation de douze minutes, I want Pluto to be a planet again, chorégraphié avec Vladimir Mavounia-Koukanel en 2016, très insolite projeté dans un monde futuriste.
Dans ÀMA GLORIA se trouvent également de magnifiques dessins animés créés par la réalisatrice elle-même et par PIERRE-EMMANUEL LYET, extrêmement délicats et qui illustrent le statut et les prémonitions des séquences. Marie Amachoukeli nous présente l’aspect animation: “ L’animation est pour moi l’accès le plus direct au monde intérieur de l’enfant, à ce que Cléo ressent et n’arrive pas à dire parce qu’elle n’a pas les mots.” Le réalisateur continue: “J’aime le processus de création de l’animation. J’ai une passion pour les rythmes d’ateliers… C’est un autre rapport au temps qu’au cinéma. J’ai moi‐même grandi dans l’atelier de mon père, orfèvre, près d’une forge, entourée d’une enclume et de centaines de marteaux. C’est un rythme qui me réconforte. Le foyer, c’est ça pour moi.” Le réalisateur avec Pierre-Emmanuel Lyet a également choisi deux incroyables coloristes, Peter Doig et Félix Vallotton. Doig est capable de faire émaner du mystère de ses couleurs, Vallotton parce qu’il capture la vie, l’instant volé, un morceau de ciel, c’est-à-dire tout ce qui peut se souvenir de vous pour toujours.
Le film a ouvert cette année la Semaine de la Critique, hors compétition, et a immédiatement été accueilli très favorablement par le public et la critique.
En fait c’est un coup au coeur, un film fait de gestes, d’amour, de larmes, de mer, d’enfants. Cléo pleure souvent en secret car elle vit seule avec son père mais heureusement elle a une nounou avec qui elle vit depuis qu’elle est enfant. Mais maintenant, la nounou doit elle aussi retourner dans son pays d’origine, le Cap-Vert, car sa mère est décédée. Pratiquement deux femmes sans leur mère, un mélodrame. Les familles conviennent que Cléo pourra rester un été de plus chez la nounou. Le film recommence donc sur l’île du Cap-Vert où se trouvent les enfants de Gloria. Une nouvelle vie est née, de nouvelles amitiés, un pays différent et inconnu.
La force du film repose fondamentalement sur le jeu naturel de Louise Mauroy-Panzani (Cléo), elle apparaît comme une enfant née pour être actrice car elle déchire l’écran non pas tant pour sa beauté que pour sa sincérité. Son homologue est Ilça Moreno Zego (Gloria), une nounou très gentille mais déterminée à reconquérir sa famille. Le thème des nounous est très peu abordé au cinéma, et ce sont ces personnes qui abandonnent leur famille et leurs propres enfants pour s’occuper de ceux des autres. Un sujet qui n’est pas seulement sentimental mais aussi politique et social.
Le film a été tourné en grande partie au Cap-Vert, notamment à Tarrafal qui se situe sur la plus grande île de l’archipel. La réalisatrice explique comment elle a choisi ce territoire pour façonner le décor scénique et les émotions qui y sont associées: “C’est un territoire très volcanique. Et pour moi, l’enfance c’est ça. C’est pas du tout un territoire tranquille. C’est un terrain volcanique, débordant de tout : dans tes relations, dans ton imaginaire, dans ton ressenti du monde, où tout est une épopée. C’était d’ailleurs l’enjeu de la mise en scène. Je voulais un film sensoriel, où tout reste à vie, en vous, pour toujours, comme marqué au fer rouge.“
Le film est dédié à Laurinda Correia qui était la nounou du réalisateur et la concierge de l’immeuble où elle vivait. Elle était issue de l’immigration portugaise et ce fut une expérience fantastique pour la cinéaste.
(Marie Amachoukeli, cr. ph The big Circle, Semaine de la Critique)
ÀMA GLORIA
Scénario et réalisation: Marie Amachoukeli – Réalisation de l’animation: Marie Amachoukeli & Pierre-Emmanuel Lyet
Casting France: Christel Baras – Casting Cap-Vert: Solange de Castro Fernandes – Coach Cléo: Laure Roussel – Image: Inès Tabarin – Son: Yolande Decarsin, Fanny Martin, Daniel Sobrino – Musique: Fanny Martin – Montage image: Suzana Pedro – Production: Bénédicte Couvreur, Lilies Films
Liste artistique: Cléo – Louise Mauroy-Panzani ; Gloria – Ilça Moreno Zego; Fernanda – Abnara Gomes Varela; César – Fredy Gomes Tavares; Arnaud – Arnaud Rebotini; Joachim – Domingos Borges Almeida
(Cr ph Pyramide Films)