Prix du scénario

un film de Tarik Saleh avec Tawfeek Barhom, Fares Fares
Année de production : 2022 Pays : SUEDE, FRANCE, FINLANDE, DANEMARK Durée : 126 minutes Date de sortie : 26 octobre 2022

Une représentation d’investigation, entre religion et politique, dans le but de gratter l’Egypte d’aujourd’hui.

(par Roberto Tirapelle)

Synopsis
Adam, simple fils de pêcheur, intègre la prestigieuse université Al-Azhar du Caire, épicentre du pouvoir de l’Islam sunnite. Le jour de la rentrée, le Grand Imam à la tête de l’institution meurt soudainement.
Adam se retrouve alors, à son insu, au cœur d’une lutte de pouvoir implacable entre les élites religieuse et politique du pays.

Après avoir décortiqué les prémices de la révolution égyptienne dans Le Caire confidentiel en 2017, Tarik Saleh est présent pour la première fois en Compétition au Festival de Cannes avec Walad Min Al Janna (Boy from Heaven). Le cinéaste, journaliste et plasticien suédois retourne en Égypte et décrypte cette fois-ci les ficelles politiques et religieuses qui dirigent la plus grande université du pays.

Grand habitué des thématiques politiques, le réalisateur d’origine égyptienne récidive avec ce long métrage. Il y a près de 20 ans, déjà, Tarik Saleh avait été producteur d’un documentaire largement primé sur les camps de détention de Guantánamo. Il brosse aujourd’hui le portrait de personnages dont on ne sait si leur dévouement va davantage à l’Islam qu’à eux-mêmes.
 
Les premiers extraits laissent deviner un thriller haletant et rythmé sur les luttes d’influence pour déterminer la succession du Grand Imam. Le savoir-faire de journaliste du cinéaste se ressent à travers les détails apportés aux scènes, que ce soit dans les rues du Caire ou au sein de l’université al-Azhar, centre névralgique du récit.

Quelques déclarations de Tarik Saleh du plateau de tournage:

“Il n’était pas possible de tourner La Conspiration du Caire en Égypte. Je n’ai pas pu y retourner depuis
2015 quand, trois jours avant que nous commencions le tournage du Caire confidentiel, les services de
sécurité égyptiens nous ont ordonné quitter le pays. Depuis, je fais partie d’une liste d’indésirables qui,
s’ils reposaient le pied sur le sol égyptien, seraient immédiatement arrêtés. La décision a même été
rendue publique à la télévision égyptienne. C’est malheureux, j’aime ce pays, j’y ai passé du temps, j’y
ai des amis, de la famille. Ma mère est suédoise, mon père égyptien, je me considère comme un
Égyptien de Suède. Je ne suis pas nationaliste, mais c’est un pays que je voudrais montrer à mes
enfants, et l’amour que je lui porte n’est pas récompensé.”
“Cinéaste est un métier de migrant. Beaucoup de grands réalisateurs sont immigrés ou fils d’immigrés,
qu’il s’agisse de Martin Scorsese, Milos Forman ou Billy Wilder.”
“Nous avons tourné La Conspiration du Caire en Turquie. Pour représenter Al-Azhar, nous avons pu
tourner dans la Mosquée Süleymanye d’Istanbul, un bâtiment magnifique bâti au XVIème siècle, dont
le maître d’œuvre, Sinan, a formé l’architecte de la Mosquée Bleue.”

Le film a deux sujets très critiques à décrire : d’un côté l’institution religieuse, de l’autre l’institution politique, deux monolithes qui veulent tous deux prendre le dessus et que même un film ou un livre peut peut-être rayer mais pas rayer.
Le directeur s’est bien entretenu avec les deux établissements, nous montrant les différentes configurations : un aperçu très intéressant du cadre religieux tant au niveau des séquences, des professeurs qui font participer les élèves à l’art oratoire, des dortoirs, des amitiés, des envies. Et la quasi-réalité de la politique, les prisons, les rencontres conflictuelles.

Au fond pourtant, le film, tout en errant dans les cercles infernaux, reste bon, il lui manque quelque chose d’esthétique brut et d’émotionnel. Il avait l’œil pour évoquer le film d’espionnage américain des années 1970, ou l’enquête journalistique que le cinéma américain lui-même avait créé dans ces années-là, mais c’est justement à vouloir planer entre ces genres qu’il ne trouve plus le courage de consolider le film.

L’interprétation des deux interprètes est remarquable : Tawfeek Barhom qui incarne Adam, l’étudiant, très doué dans les gros plans pour suivre Fares Fares, plus expérimenté, le colonel Ibrahim, l’acteur fétiche du réalisateur.

Tarik Saleh – Scénario et Réalisation

Né en 1972 à Stockholm d’une mère suédoise et d’un père égyptien, Tarik Saleh s’est d’abord
fait connaître dans les années 80 en étant l’un des plus célèbres graffeurs de la capitale sué-
doise. Il a ensuite réalisé plusieurs documentaires, notamment Sacrificio : Who Betrayed Che
Guevara (2001, en collaboration avec Erik Gandini) et Gitmo : The New Rules of War (2005). Il
débute dans la fiction avec le film d’animation Metropia (2009), dans lequel Stellan Skarsgård,
Juliette Lewis, Vincent Gallo et Udo Kier prêtent leur voix aux personnages. Il enchaîne avec
Tommy (2014), un polar avec Ola Rapace, qui marque les débuts au cinéma de la chanteuse
Lykke Li, dont il a réalisé plusieurs vidéos.
En 2017, Le Caire Confidentiel apporte une reconnaissance internationale : le film reçoit le
Grand Prix du Jury au Festival de Sundance. En France, après avoir reçu le Grand Prix du Fes-
tival du Film policier de Beaune, il s’impose comme le « polar » de l’été, séduisant plus de
400.000 spectateurs. Il est ensuite nommé au César du Meilleur film étranger et remporte
huit Guldbaggen (les César suédois) dont Meilleur film et Meilleur acteur pour Fares Fares.
Après avoir travaillé sur les séries Ray Donovan et Westworld, Tarik Saleh réalise The Contrac-
tor (2022), avec Chris Pine. Il a fondé la société de production Atmo avec la productrice Kristina
Åberg.

( Tarik Saleh, cr ph Kim Svensson)