Gabrielle: Léa SEYDOUX – Louis: George MACKAY

par Roberto Tirapelle

Bonello propose un voyage visuel, social et romantique dans la fiction d’Henry James. Léa Seydoux aborde trois époques différentes entre sentiments et IA avec son regard mystérieux et étonnant.

SYNOPSIS: Dans un futur proche où règne l’intelligence artificielle, les émotions humaines sont devenues une menace. Pour s’en débarrasser, Gabrielle doit purifier son ADN en replongeant dans ses vies antérieures. Elle y retrouve Louis, son grand amour. Mais une peur l’envahit, le pressentiment qu’une catastrophe se prépare.

Bertrand Bonello est un cinéaste aux multiples facettes et à succès (réalisateur, scénariste, producteur, compositeur, acteur) qui réalise avec “La Bête” son onzième long métrage. Il a été invité à de nombreux festivals mais a été sélectionné à plusieurs reprises, notamment à Cannes.

“La Bête” se déroule dans un monde où sont annoncés des situations et des évolutions qui ne sont pas vraiment positives. C’est aussi une mélodie entre sentimental et thriller, transportant le spectateur dans un voyage sensoriel et physique, oubliant la logique et la rationalité. En parlant de festivals, il a été présenté en compétition à la 80ème Mostra de Venise.

(cr ph Carole Bethuel, Ad Vitam distribution)

Librement inspiré de la nouvelle d’Henry James “La Bête dans la jungle”, le film, écrit par Bonello avec la contribution de Guillaume Bréaud et Benjamin Charbit, se déroule en trois moments: en 1910, en 2014, en 2044. Et le réalisateur se concentre sur les sentiments, notamment l’échec amoureux. Comme le dit Bonello : “On pourrait dire qu’en 1910, les sentiments sont exprimés. En 2014, ils ont été rejetés. En 2044, ils sont supprimés.”

Par exemple, en 1910, les deux personnages ne parviennent pas à se lier car Gabrielle a peur de l’amour. Elle le rejette et un siècle plus tard, en 2014, Louis est obsédé par l’idée qu’aucune femme tu l’aimes. Il transforme cet échec en volonté de tuer, car à cette époque les États-Unis produisaient ce type de personnage. Gabrielle le considère surtout comme un enfant perdu. C’est pourquoi elle est prête à lui ouvrir la porte alors que lui-même refuse d’entrer… Pour Gabrielle, l’expérience de la purification crée de la mémoire. Il pourra alors agir en 2044 avec tous les souvenirs qu’il a traversés. Pour Louis, l’expérience produit une amnésie émotionnelle.

Revenons aux trois époques: en 1910 Léa Seydoux incarne une pianiste accomplie dans Paris attendant le déluge, tourné en 35 mm. offrir une apparence plus douce et charnelle ; en 2014, elle est une actrice en herbe à Los Angeles, une métropole pratiquement limitée à une terrifiante serre et des boîtes de nuit ; en 2044 il doit décider s’il doit procéder à la purification de son ADN et effacer ses émotions.

(cr ph Carole Bethuel, Ad Vitam distribution)

Dans le film, il y a une femme qui occupe tout le scénario, il s’agit de Léa Seydoux, avec plus de quarante films à son actif. C’est déjà la troisième fois (les autres films étaient “De la guerre” et “Saint Laurent”) qu’elle travaille avec Bonello mais c’est la première fois en tant que protagoniste absolue. Comme le précise le réalisateur: “Je ne veux pas d’une autre actrice capable d’interpréter le personnage de Gabrielle en trois époques. Léa Seydoux avec une touche intemporelle et moderne. C’est rare. Cette beauté est très différente selon les trois périodes du film.”

Il y a toujours un mystère dans son regard. “Dans sa façon aborder le travail, Léa n’a rien d’une actrice académique – continue Bonello – Elle n’éprouve pas nécessairement désir d’être très préparé ou de tout savoir de sonnage ni même du scénario. Il faut aussi mentionner qu’il cultive une certaine incertitude ou une flottaison, mais il profite de la flottation, il se laisse guider, s’abandonner et faire s’élever ses choix. Aussi, un choix important pour moi, c’est une très belle voix. Une magnifique phrase qui existe en français ou en anglais.” On pourrait dire qu’il s’agit d’un film sur l’actrice, presque un documentaire.

(cr ph Carole Bethuel, Ad Vitam distribution)

Georges MacKay, artiste anglais aux 25 films dans sa carrière, a pris la relève après le décès de Gaspard Ulliel (avec Bonello déjà dans “Coma” et “Saint Laurent”) à qui le film est dédié. C’est un acteur extrêmement intéressant, il a la capacité d’apporter de nombreuses nuances à différentes situations. Il est excellent comme interprète en costume, frac et champagne à Paris, et comme tueur en série à Los Angeles en 2014. Entre autres, ne connaissant pas le français, il a également réussi à perfectionner sa phonétique.

Diffusant une technique visuelle tantôt inquiétante tantôt poétique, Bonello met en avant un résultat qui n’est certes pas des plus parfaits mais ses dessins tracent toujours un cinéaste de qualité.

(cr ph Carole Bethuel, Ad Vitam distribution)

La Bête
Drame, Romance, Science-fiction – France – 2h26 – 7 février 2024 en salle

Réalisation : Bertrand BONELLO
Scénario : Bertrand BONELLO
d’après un traitement de BERTRAND BONNELLO, BENJAMIN CHARBIT et GUILLAUME BRÉAUD
Librement adapté de « LA BÊTE DANS LA JUNGLE » d’Henry JAMES
Une production : LES FILMS DU BÉLIER
Directrice de la photographie : Josée DESHAIES
Photographe de plateau : Carole BETHUEL
Cheffe monteuse : Anita ROTH
Chef opérateur du son : Nicolas CANTIN
Musique : Bertrand & Anna BONELLO
Régie : Julien LINIÈRES
Créatrice de costumes : Pauline JACQUARD
Cheffe maquilleuse : Maïna MILITZA
Cheffe décoratrice : Katia WYSZKOP