Cast : Vincent Lindon (Jacques Romand), Karole Rocher (Harmel Kirshner) et Stefan Virgil Stoica (Victor)

par Roberto Tirapelle

Le dernier film de Boukhrief est une enquĂȘte efficace sur une rĂ©alitĂ© sociale existante, une histoire sans rhĂ©torique et sur deux personnages diffĂ©rents qui se croisent. Vincent Lindon, excellent dans un autre film chargĂ©.

Synopsis:

Jacques Romand est un professeur qui a perdu sa vocation. TĂ©moin d’une agression dans une Ă©picerie de quartier, il permet l’arrestation de l’un des voleurs : Victor, 14 ans. Mais en dĂ©couvrant le sort de ce gamin dĂ©scolarisĂ© que l’on force Ă  voler pour survivre, Jacques va tout mettre en Ɠuvre pour venir en aide Ă  ce jeune parti sur de si mauvais rails. Quitte Ă  affronter ceux qui l’exploitent. En luttant contre les rĂ©ticences mĂȘmes de Victor pour tenter de lui offrir un avenir meilleur, Jacques va changer son propre destin


Nicolas Boukhrief, rĂ©alisateur français d’origine algĂ©rienne, fut d’abord critique de cinĂ©ma, puis scĂ©nariste puis rĂ©alisateur, avec une dizaine de films derriĂšre lui. AprĂšs quelques films un peu thrillers comme “Made in France” ou “Trois jours et une vie”, il se concentre dĂ©sormais sur des sujets intimistes, celui du rapprochement de deux personnages bien diffĂ©rents et celui d’un drame social sur la communautĂ© rom. Selon le rĂ©alisateur, il souhaitait depuis longtemps faire un film sur un reprĂ©sentant de la communautĂ© rom en France. Mais il y avait aussi un autre objectif qui l’intĂ©ressait, celui de raconter la vie d’un enseignant en dehors du contexte scolaire, au quotidien.

La rencontre entre les deux personnages est l’histoire qui fait bouger le film. Le professeur Jacques dĂ©joue partiellement un vol contre une Ă©picerie et parvient Ă  arrĂȘter l’un des voleurs, un garçon nommĂ© Victor. Le professeur vient de quitter l’enseignement parce qu’il est déçu et aigri par des Ă©vĂ©nements qui l’ont impliquĂ© sans que ce soit de sa faute. Victor a 14 ans, un garçon rom, qui essaie de voler presque partout parce que son oncle, qui l’a apparemment adoptĂ©, le battrait s’il n’apporte pas les biens volĂ©s dans le camp rom. Mais nous apprendrons tout cela au fur et Ă  mesure que le film se dĂ©roule lorsque le garçon, aprĂšs avoir Ă©chappĂ© au professeur, revient chez lui pour le voler.

A partir de ce moment, une sorte de compassion s’installe chez le professeur qui le conduit d’abord Ă  l’emmener dans une association oĂč l’on aide des enfants marginalisĂ©s. Victor est trop endurci par la sociĂ©tĂ© qui rejette son peuple et fuit lui aussi cette situation. Au sein de l’association, le professeur noue une amitiĂ© avec le professeur de soutien. Peut-ĂȘtre que les deux pourraient l’aider Ă  s’intĂ©grer dans une institution qui le protĂšge. Le garçon revient et Jacques lui donne de l’argent car il pense qu’en le apportant Ă  son oncle, il pourra le laisser tranquille. En Ă©change, cependant, Victor doit se calmer et commencer Ă  apprendre quelque chose de ses leçons. En effet, c’est prĂ©cisĂ©ment ce stimulus qui amĂšne le professeur Ă  repenser sa vocation.

Nicolas Boukhrief raconte l’histoire avec un rythme trĂšs simple mais serrĂ©, le spectateur est impliquĂ© et montre qu’il n’en rate pas une miette. Par ailleurs, un tel sujet pourrait crĂ©er rhĂ©torique et chantage, mais l’approche de Boukhrief est politique mais surtout sĂšche, pleine d’humanitĂ©, et surtout centrĂ©e sur les protagonistes dĂ©sormais entrelacĂ©s par une histoire qui les unit paradoxalement. Le rĂ©alisateur les poursuit avec parcimonie mais sans rĂ©pit, aussi bien le garçon que notamment le professeur, qui effectue un travail humain et physique pour Ă©pauler Victor.

Les acteurs

Pour Vincent Lindon, acteur, rĂ©alisateur, scĂ©nariste, nul besoin de prĂ©sentations. C’est un acteur extraordinaire, avec un excellent parcours, et lĂ  aussi il a dĂ©montrĂ© de grandes qualitĂ©s de synergie avec l’ensemble du secteur technique. Il vient de terminer un autre film que l’on verra prochainement intitulĂ© « Ce qu’il faut de nuit » de Delphine et Muriel Coulin. Peu d’acteurs du cinĂ©ma français ont jouĂ© plusieurs films Ă  caractĂšre politique. L’enrichissement du film, c’est aussi son Ɠuvre car dĂšs le dĂ©but, c’est-Ă -dire Ă  partir du moment oĂč le producteur Richard Grandpierre faisait l’intermĂ©diaire avec Nicolas Boukhrief, Lindon Ă©tait enthousiasmĂ© par le projet. Par son interprĂ©tation, fĂ©brile et mesurĂ©e Ă  la fois, il a rĂ©ussi Ă  transmettre de nombreuses Ă©motions et rĂ©flexions hors Ă©cran. Parce que c’est un film qui enquĂȘte sur le contexte rom et sur la profession enseignante et c’est pour cette raison qu’il peut devenir informatif.

Pour le recrutement de Victor (Stefan Virgil Stoica), le rĂ©alisateur et le casting ont dĂ» faire quelques rĂ©flexions : ils n’avaient pas envie de faire un casting dans les villages roms et ils sont donc allĂ©s en Roumanie dans les Ă©coles de thĂ©Ăątre pour jeunes et ont trouvĂ© Stefan qu’il parlait bien anglais. De plus, pour son rĂŽle, ils l’ont fait apparaĂźtre Ă  moitiĂ© roumain et Ă  moitiĂ© rom. Ils pensaient que les deux protagonistes pouvaient s’exprimer en anglais. Or, les personnages du village sont roms et dans ce cas le rĂ©alisateur a Ă©tĂ© aidĂ© par une association “La Pagaille” dont le responsable est devenu le consultant technique en la matiĂšre. Et la dĂ©coratrice Julia Lemaire a Ă©tĂ© assistĂ©e par les Roms eux-mĂȘmes dans la construction du camp.

Karole Rocher, comĂ©dienne et rĂ©alisatrice, responsable de l’Association qui aide les enfants du cinĂ©ma,
malgrĂ© une filmographie extrĂȘmement consĂ©quente, elle s’est prĂ©sentĂ©e dans le film avec une interprĂ©tation sobre et surtout trĂšs vĂ©ridique qui lui convient car elle n’est pas Ă©trangĂšre au monde associatif.

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Enfin, un autre apport au film est dĂ» Ă  la photographie d’Eric Gautier qui a utilisĂ© une couleur grise et sur grand Ă©cran, et connaissant trĂšs bien Lindon, l’a accompagnĂ© dans tous ses mouvements trĂšs naturellement.

 Comme un fils
1h42 – France – 2023 – AU CINÉMA LE 6 MARS

RĂ©alisation : Nicolas Boukhrief
ScĂ©nario : Nicolas Boukhrief et Ă‰ric Besnard
Musique : ROB
DĂ©cors : Julie Lemaire
Costumes : Elfie Carlier
Photographie : Ă‰ric Gautier
Son : Dana Farzanehpour
Montage : Lydia Boukhrief
Production : Richard Grandpierre
Production exĂ©cutive : FrĂ©dĂ©ric Doniguian
SociĂ©tĂ©s de production : Eskwad
SociĂ©tĂ© de distribution : Le Pacte

(Cr Ph Le Pacte – ESKWAD)