FRANCE / ALLEMAGNE / BELGIQUE 2024 1H46 VO FRANÇAIS / ARABE / ANGLAIS

Sortie : 3 juillet 2024

Film d’Ouverture de la Semaine de la Critique 2024.

par Roberto Tirapelle

Jonathan Millet, qui réalise son premier long métrage, déjà expert en documentaires et courts,  réalise un résultat surprenant pour sa carrière. Encore une épreuve intense pour Adam Bessa.

Synopsis: Hamid est membre d’une organisation secrète qui traque les criminels de guerre syriens cachés en Europe. Sa quête le mène à Strasbourg sur la piste de son ancien bourreau. Inspiré de faits réels.

Jonathan Millet, réalisateur français, a commencé pendant de nombreuses années à voyager dans des pays lointains pour filmer pour des bases de données. Il a traversé une cinquantaine de pays (Iran, Soudan, Pakistan, toute l’Amérique du Sud, Proche-Orient, longue et grande Afrique) et capturé des visages, des espaces, retranscrit une atmosphère en quelques clichés seulement. Après cette expérience, il réalise quelques documentaires comme « Ceuta, douce prison » admiré dans plus de 60 festivals. Ceuta est un camp de détention au nord du Maroc. Puis il tourne « Dernières nouvelles des étoiles » en Antarctique et « La disparition » en Amazonie. Il réalise ensuite des courts métrages comme « Et toujours nous marcherons » (sélectionné aux Césars 2018) et « La veillée » sorti en salles. Il est nommé « Talent en court ». Aujourd’hui, nous voyons “Les Fantômes”, son premier long métrage, présenté cette année en ouverture de la 63e Semaine de la Critique de Cannes, avec un résultat que l’on peut dire vraiment intéressant.

Le sujet est original et nous le raconterons brièvement pour comprendre les méthodes que le réalisateur utilise pour travailler la narration. Hamid, ancien professeur de littérature à Alep (Syrie), tente de traquer les criminels de guerre grâce à son réseau clandestin. En particulier, dans la prison de Saidnaya, un bourreau nommé Harfaz a disparu dans les airs et s’est probablement réfugié en Europe sous de fausses identités.

L’histoire nous enseigne que la guerre en Syrie a commencé en 2011. Les premières manifestations pacifiques contre le président Bachar al-Assad ont été violemment réprimées par le régime. Alors ce sera pire, les troupes de Bachar procéderont à des bombardements armes chimiques, massacres de civils, crimes de guerre. On estime qu’entre 70 000 et 200 000 personnes disparaissent dans les prisons du régime. Plus de 13 000 opposants sont morts rien que dans la prison de Saidnaya.

Ces dernières années, Millet a mené des recherches et des rencontres qui l’ont amené à observer de près les blessures internes que portent en eux les exilés, la mémoire de la douleur. Le directeur déclare : « J’ai passé de nombreuses semaines dans un centre de traitement pour victimes de guerre et de torture. Je rencontre un grand nombre de Syriens dont j’écoute les histoires, la guerre, l’emprisonnement. Quand j’écris, sans rien laisser de côté sur la dureté de ces réalités, je cherche un lieu de lumière, d’espoir possible.” Et Millet a fait de cet espoir le but ultime du film.

L’un des premiers éléments avec lesquels Millet a travaillé a été l’approche « sensorielle », c’est-à-dire qu’il a filmé tout ce qu’il y avait à entendre, à toucher et à sentir, laissant de côté les images de guerre et de torture que l’on ne peut découvrir qu’à partir d’enregistrements. . Millet a travaillé sur Hamid, le protagoniste, et sur ses doutes. Il a travaillé sur des sons déformés avec une amplification allant jusqu’à la gêne, le toucher dans la scène du bandage de Yara ou les couleurs des étals du marché de Beyrouth. Millet dit : « Je voulais raconter une histoire à travers l’intimité d’un personnage ».

Le son

Comme nous l’avons déjà décrit, le réalisateur a beaucoup utilisé le son grâce aux techniciens Nicolas WASCHKOWSKI, Tobias FLEIG, Simon APOSTOLOU qui ont travaillé ce médium, sound-design, hyperacuité, murmures, feedback. Les prisonniers syriens sont plongés dans l’obscurité totale pendant plusieurs mois, ce qui permet au prisonnier de développer ses autres sens. Certaines tortures provoquaient en effet une hyperacousie. La bande sonore de YUKSEK permet d’accéder à la profondeur et à l’intensité des pensées d’Hamid.

Les acteurs

Adam Bessa est Hamid le protagoniste. Acteur franco-tunisien, il a une belle carrière derrière lui, remportant également le prix de la meilleure interprétation à Cannes en 2022 avec « Harka » dans la section Un certain regard. Il incarne un personnage difficile avec contrôle et pouvoir, il a une soif de justice, il est tenté de tuer mais le sens de la recherche et de la vérité prévaut. Il doit repousser les fantômes et trouver une nouvelle source de vie. C’est l’interprétation qu’Adam Bessa propose à son public, merveilleuse. Millet déclare : « Il y a en lui la possibilité de l’insolite et de l’inattendu. Cela incarne bien le dilemme au centre du film, celui entre raison et impulsion. …”Il y avait aussi la question de l’accent. Adam a ensuite dû travailler pendant des semaines pour obtenir le meilleur accent syrien possible.»

(à gauche Adam Bessa à droite Tawkeek Barhom)

Tawkeek Barhom est l’homme que Hamid recherche à l’université de Strasbourg car il semble être inscrit en master de chimie sous le nom de Sami Hanna. Tawkeek Barhom, acteur palestinien, a lui aussi une belle carrière qui s’est notamment illustrée avec “La Conspiration du Caire”. Barhom collectionne un personnage qui apparaît tantôt inaccessible, tantôt consolidé, toujours fantôme. Le réalisateur explique sa tactique avec Barhom : « Je voulais aller prendre un café avec Tawkeek pour l’observer. J’ai senti le charme qu’il pouvait exercer et c’est celui du personnage. Il porte en lui un véritable

Production

Films Grand Huit est né en 2015 de la rencontre de 2 producteurs, Lionel Massol et Pauline Seigland, aux énergies, tempéraments et parcours aussi différents que complémentaires. Ils ont établi un modèle qui leur est propre : résolument conçu comme une structure légère et de combat, Grand Huit existe comme une structure de travail libre et structurée. Lauréat de 3 Césars du court métrage, d’un Ours d’argent et de nombreuses nominations à Cannes, Venise et Toronto, Grand Huit accompagne ses réalisateurs du court au long métrage. Pauline Seigland travaille depuis cinq ans avec Jonathan Millet. Ensemble, ils réalisent le court métrage « Et toujours nous marcherons », qui connaît un grand succès, dont un prix d’acteur à Clermont-Ferrand et une sélection aux César. Il enchaîne avec d’autres courts métrages, plus expérimentaux et cherchant ce que serait son premier long métrage.

Les Fantômes (Ghost Trai)l de Jonathan Millet

Acteurs
Hamid Adam BESSA
Harfaz Tawfeek BARHOM
Nina Julia FRANZ RICHTER
Yara Hala RAJAB

Liste Technique
Produit par Pauline SEIGLAND – FILMS GRAND HUIT
Scénario Jonathan MILLET, Florence ROCHAT
Image Olivier BOONJING
Montage Laurent SÉNÉCHAL
Son Nicolas WASCHKOWSKI, Tobias FLEIG,
Simon APOSTOLOU
Musique originale YUKSEK

(cr. ph. FilmsGrandHuit – Kris Dewitte)