Festival de Cannes 2024 – Sélection officielle – Cannes Première
Jessica Palud avec « Maria » mène avec grâce et attention une opération de dénonciation très actuelle, tandis que le réalisateur espère que les gens écoutent sa voix. Anamaria Vartolomei conquiert l’écran.
Synopsis
Maria n’est plus une enfant et pas encore une adulte lorsqu’elle enflamme la pellicule d’un film sulfureux devenu culte : Le Dernier tango à Paris. Elle accède rapidement à la célébrité et devient une actrice iconique sans être préparée ni à la gloire ni au scandale…
par Roberto Tirapelle
Jessica Palud, réalisatrice et scénariste française, a une jeune carrière, 5 films dont deux courts métrages, le dernier “Marlon” a été présenté dans de nombreux festivals et a également reçu de nombreux prix. En fait, sa façon de faire du cinéma est très intense et précise. Et son deuxième long métrage « Revenir » (2020) avec Niels Schneider et Adèle Exarchopoulos a remporté le prix du meilleur scénario à la Mostra de Venise dans la section Orizzonti.
Désormais « Maria » arrive sur les écrans, présenté à Cannes 2024 dans la section Première. Un film qui a tous les prérequis pour une belle réussite et une certaine attente pour deux raisons : pour la reconstitution d’un morceau de la vie de Maria Schneider, l’interprète/icône du “Dernier Tango à Paris” (1972) de Bernardo Bertolucci, film/actrice/réalisatrice qui fit à l’époque un scandale international et pour l’actuelle interprète de “Maria”, la très jeune Anamaria Vartolomei mais déjà dans une belle carrière avec 14 films et 4 courts métrages.
« MARIA » est l’adaptation libre du livre de Vanessa Schneider, « Tu t’appelais Maria Schneider », journaliste, écrivaine, essayiste et cousine de Maria Schneider. Cependant, Jessica Palud déclare que “Vanessa a abordé sa cousine Maria à travers le prisme de l’intime, l’œil d’un membre de la famille”. « Pour le film, je souhaitais déplacer ce point de vue et me concentrer sur Maria. Être dans son regard et ne jamais l’abandonner, faire la traversée avec elle ».
Palud raconte donc l’histoire à travers les yeux de Maria Schneider, un visage et des yeux toujours présents dans le film de la première à la dernière séquence. Selon le récit, ce qui a frappé le réalisateur, c’est la première femme à parler ouvertement des abus, de sa liberté, des conséquences qui en ont découlé, mais personne ne l’a écoutée.
Naturellement, au fil du temps, il y a eu de nombreuses interviews, il y a aussi eu un documentaire « Sois belle et tais-toi » (1976) de Delphine Seyrig (reproposé à la Cineteca di Bologna cette année) où, par exemple, Maria déclare « les films Ils sont écrits par des hommes pour des hommes…”. Le film interroge les limites de l’art, l’intégrité violée, l’utilisation d’une jeune actrice et la trahison qu’elle ressent.
Nous sommes en 1972 et Maria Schneider avait déjà participé à huit films mais en figurant ou un peu plus, elle avait 19 ans et dans un café parisien elle rencontra le jeune et déjà connu réalisateur italien Bertolucci (il avait 31 ans) venue de “Le Conformiste”, un de ses meilleurs films, qui lui propose le rôle de Jeanne dans son prochain film. Bertolucci lui dit “Tu es une page blanche et tu as un regard blessé que j’aime beaucoup (…) Nous allons tourner la nudité de la manière la plus artistique possible, mais le film tourne autour d’une relation physique intense”
Jessica Palud a débuté le cinéma en tant que stagiaire sur le tournage des « The Dreamers » de Bertolucci et a déclaré « Très admirative du travail de Bertolucci, je lui ai souvent demandé de commenter la précédente réalisatrice Maria sur « Le Dernier tango à Paris ». L’histoire de Maria Schneider a certainement beaucoup frappé la réalisatrice car elle se souvient de son expérience lorsqu’elle travaillait comme assistante sur les plateaux. Palud poursuit : « J’ai encore un an de vie, sur un plateau, j’ai encore plus de femmes. J’étais souvent la plus jeune et toujours entourée d’hommes. J’ai été témoin de scènes compliquées, d’acteurs et d’actrices humiliés et j’ai ressenti la même chose que certains acteurs n’abusent pas. Jessica Palud a fait des recherches approfondies et a en effet récupéré le scénario original annoté par le scénariste. Il a noté tous les bouleversements.
La photographie
La direction photo confiée à Sébastien Buchmann est parfaite car il s’agit à la fois d’un film sur le cinéma et sur une actrice devenue iconique. Le résultat est une photographie élaborée mais pas trop esthétisée. Ils ont eu comme source d’inspiration les photos bien réelles de la photographe américaine Nan Goldin. Palud a souhaité une série de séquences frontales dans les plans, pour une identification totale du personnage.
La musique
Benjamin Biolay est le compositeur du film. Une carrière impressionnante mais il compose peu de bandes originales. Il a créé une musique assez sévère, capturant l’esprit du film et le grain de Maria. La Palud avoue « La première fois qu’on s’est rencontré, chez lui, il y avait une photo de Maria Schneider sur son piano ».
Les acteurs
Pour incarner Maria Schneider, le choix ne pouvait se porter que sur Anamaria Vartolomei car en plus de sa ressemblance elle possède une habileté impressionnante, elle possède un magnétisme qui génère du charme, de l’humiliation et de la blessure. Palud, comme nous l’avons déjà mentionné, souhaitait un portrait frontal pour décrire Maria et il fallait donc trouver une présence qui puisse assumer de multiples rôles. Le réalisateur précise que « on s’est beaucoup vues, on a travaillé, répété en amont et créé ensemble notre Maria pendant plusieurs mois ». Au final, Vartolomei s’est totalement donnée au personnage.
Matt Dillon, acteur américain à la longue carrière, joue le rôle de Marlon Brando de manière très sobre et similaire. Après tout, Brando était l’un de ses acteurs emblématiques.
Le père de Maria est Yvan Attal, un acteur trop expérimenté qui ne rate rien. Après tout, son père était un acteur, Daniel Gélin, qui n’a pas reconnu sa fille parce qu’elle était adultère.
Céleste Brunnquell, une très jeune comédienne qui a déjà beaucoup progressé, incarne le personnage de Noor, la journaliste avec qui Maria a une intermède amoureuse pendant la période où Schneider sombre dans la drogue.
(cr ph Distribution HAUT ET COURT)
“Maria” un film de Jessica Palud
avec Anamaria Vartolomei, Yvan Attal, Matt Dillon, Céleste Brunnquell
Fiche Technique
Scénario : Jessica Palud et Laurette Polmanss, d’après le récit Tu t’appelais Maria Schneider de Vanessa Schneider
Musique : Benjamin Biolay
Décors : Valérie Valéro
Costumes : Alexia Crisp-Jones
Photographie : Sébastien Buchmann
Son : Jean-Marie Blondel
Montage : Thomas Marchand
Production : Marielle Duigou
Coproduction : Alex Lo, Christie Molia et Kristina Zimmermann
Sociétés de production : Les Films de Mina, en coproduction avec Cinema Inutile, Moteur S’il Vous Plaît et Studiocanal
Sociétés de distribution : Haut et Court (France) ; Distri7 (Belgique), Frenetic Films (Suisse romande), Immina Films (Québec)
Pays de production : Drapeau de la France France
Sortie en salle 19 juin 2024 – France 2024.