Date de sortie 07.07.2024
Festival di Cannes 2024 – Cannes Classic
Le chef-d’œuvre d’Abel Gance. Un film audacieux qui allie tradition et modernité. L’interprète Albert Dieudonné, détermination et gloire.
par Roberto Tirapelle
De ses débuts à l’Ecole militaire de Brienne (1783) au début de la Campagne d’Italie (1796). Nous rencontrons les personnages historiques de l’époque: Danton, Robespierre, Marat, Joséphine de Beauharnais, Charlotte Corday, etc. Et les lieux: Brienne, le Club des Cordeliers, la Corse, la Siège de Toulon, la Convention, le Paris de la Révolution et de la Terreur, l’Italie.
La Cinémathèque française a mené depuis 2008, avec le soutien initial et indéfectible du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), cette reconstruction au long cours du film Napoléon vu par Abel Gance. Ce projet pharaonique de près de 4,5 millions d’euros, probablement la reconstruction la plus ambitieuse de l’histoire du cinéma, a été rendu possible grâce à des financements publics et privés. Parmi les mécènes ont apporté un soutien initial considérable comme Netflix, puis l’ex producteur, aujourd’hui conseiller, Michel Merkt et enfin la Golden Globe Foundation, tous Grands Mécènes. Le Centre national de la musique a financé la retranscription par un copiste et l’impression de la partition musicale originale.
Un film révolutionnaire et avant-gardiste
De nombreuses innovations techniques et esthétiques comme les caméras montées sur des chevaux ou la fameuse fin en triptyque (polyvision), sur trois écrans en simultané, préfigurant les actuelles salles immersives, font de Napoléon vu par Abel Gance un film révolutionnaire et avant-gardiste. Avec son casting grandiose, ses milliers de figurants, le film bouleverse le public et la critique lors de sa première projection à l’Opéra de Paris le 7 avril 1927, en présence du Président de la République Gaston Doumergue et des Maréchaux Foch et Joffre. Il commence alors sa carrière en France et dans le monde.
Malgré cet accueil triomphal, le succès ne dure pas, en grande partie en raison de l’essor du cinéma parlant. Oubliées pendant des années, les bobines de cette œuvre unique et foisonnante ont été dispersées à travers le globe, certaines perdues ou détruites. Le film a fait l’objet de nombreux remontages et mutilations au fil du temps : à ce jour, plus de 22 versions différentes recensées.
La reconstitution du film
Différentes sources ont permis de reconstruire le film. Des bobines ont été retrouvées à la Cinémathèque française, au CNC, à la Cinémathèque de Toulouse, à la Cinémathèque de Corse, mais aussi au Danemark, en Serbie, en Italie, au Luxembourg, à New York… Les notes de montage d’Abel Gance et les échanges avec sa monteuse, retrouvés à la Bibliothèque nationale de France, véritables « Pierre de Rosette » du projet, ont permis de remonter le film dans sa « Grande Version ».
La recherche et l’expertise mondiale des éléments, la reconstruction et la restauration du Napoléon ont été réalisés sous la direction du réalisateur et chercheur Georges Mourier pour la Cinémathèque française. Plus de 100 kilomètres de pellicule ont été expertisés. Près d’un demi-million d’images ont été finalement retenues et traitées une à une,selon un mode opératoire spécialement mis au point pour le « cas Napoléon ». Pour conserver « l’âme et la matière du film », la restauration a donc fait appel à des procédés chimiques et numériques spécifiques, ainsi qu’à des scans de très haute définition réalisés grâce à un appareil unique au monde, le Nitroscan du laboratoire ÉCLAIR Classics.
La bande sonore
Une partition originale avait été élaborée par le compositeur suisse Arthur Honegger pour la première représentation à l’Opéra de Paris. Elle reposait, d’une part, sur un assemblage de pièces du grand répertoire classique (notamment Haydn, Mozart, Berlioz, Beethoven), d’autre part, sur la création d’une musique originale d’Honegger d’une durée d’environ 30 min. Mais ni le compositeur, ni le cinéaste ne se déclarèrent satisfaits du résultat final. Il était donc nécessaire d’envisager un nouvel accompagnement musical pour cette restauration, restant dans l’esprit de Gance/Honegger, c’est-à-dire qui repose principalement sur le montage de musiques du répertoire préexistantes. C’est Simon Cloquet-Lafollye, compositeur expérimenté en musique pour l’écran (cinéma et télévision), qui a été choisi pour composer cette nouvelle partition. Une partition de 1500 pages, l’une des plus longue bandemusicale de l’histoire du cinéma mais aussi la plus complexe, qui a pu prendre vie grâce à Radio France, au talent et à la complémentarité de ses formations musicales, au savoir-faire de ses techniciens en matière de prise de son. Sous la direction du chef d’orchestre Fabien Gabel, le prologue et la première partie du film ont donc été enregistrés par l’Orchestre Philharmonique de Radio France et le Chœur de Radio France. La deuxième partie a, quant à elle, été enregistrée par l’Orchestre National de France.
Napoléon: l’interprète
Albert Dieudonné est Napoléon, acteur, scénariste et réalisateur français. Il joue dans des films depuis 1908 et donc lorsqu’il arrive chez Napoléon, il dispose d’une structure d’acteur très consolidée. Il avait déjà travaillé avec Abel Gance et Albert Capellani, autre grand réalisateur et producteur français. Il est assistant réalisateur de “Catherine” réalisé par Jean Renoir. Il y a un deuxième montage réalisé par Dieudonné en 1927. Au cours de Napoléon, il est tellement investi dans le rôle que, selon l’un des plus grands historiens napoléoniens, il en arrivera à croire qu’il est lui-même l’empereur. Il apparaîtra également dans les versions de 1935 (Napoléon Bonaparte) et 1971 (Bonaparte et la Révolution). En 1957 il mettra en scène « Moi, Napoléon !. ». Il existe également un documentaire en deux parties de France Culture « L’homme qui voulait être Napoléon » de 2020.
Fiche Tecnique
Assistants réalisateurs : Victor Tourjanski, Henry Krauss, Henri Andréani, Anatole Litvak, Alexandre Volkoff et Georges Lampin (non crédité)
Photographie : Jules Kruger, Léonce-Henri Burel, Roger Hubert, Georges Lucas, Joseph-Louis Mundwiller, Fédor Bourgassoff, Nicolas Toporkoff, Émile Pierre (sous réserves)
Chef décorateur : Alexandre Benois et Henri Ménessier
Décors : Serge Piménoff, Pierre Schildknecht, Ivan Lochakoff, Eugène Lourié, Georges Jacouty, Vladimir Meingard
Montage original : Marguerite Beaugé ; Abel Gance
Montage de 1971 : Henri Rust
Maquillage : Boris de Fast
Effets spéciaux : W.Percy Day ; Eugen Schüfftan ; Segundo de Chomón
Production : Abel Gance
Société de production : Société générale des films
Sociétés de distribution : Gaumont (Europe) ; Metro-Goldwyn-Mayer (États-Unis)
Fiche artistique
Albert Dieudonné : Napoléon Bonaparte – Eugénie Buffet : Letizia Bonaparte – Gina Manès : Joséphine – Harry Krimer : Rouget de Lisle – Edmond van Daële : Maximilien Robespierre – Alexandre Koubitzky : Danton – Antonin Artaud : Marat – Pierre Batcheff : Lazare Hoche – Max Maxudian : Paul Barras – Abel Gance : Saint-Just – Annabella : Violine Fleury – Nicolas Koline : Tristan Fleury – Suzanne Bianchetti : Marie-Antoinette – Louis Sance : Louis XVI – Vladimir Roudenko : Napoléon Bonaparte enfant
(Cr Ph. Cinémathèque Francaise – Pathé Consortium Cinéma – Société générale desl films)
(Cinéma Olympia – Cannes)