Pays de production: France, 2023 – 120 min. – 6 mars 2024 en salle

Anne Fontaine recrée la belle époque du Boléro en dessinant une culture et une musique fascinantes. Raphaël Personnaz est Maurice Ravel élégant et hypnotique, à l’image de son Boléro.

(par Roberto Tirapelle)

Synopsis:

Paris, les années folles. Les oreilles de Maurice Ravel bourdonnent quand Ida, chorégraphe sensuelle et audacieuse, lui commande la musique de son prochain ballet. Tétanisé, Ravel ne sait plus où chercher l’inspiration. C’est en puisant dans ses souvenirs et en s’inspirant des femmes de sa vie que le compositeur créera sa plus grande œuvre : Le Boléro.

Anne Fontaine, réalisatrice, scénariste, comédienne et dialoguiste franco-luxembourgeoise, réalise un film-biopic sur le récit de la création du Boléro de Ravel. La carrière très marquante du réalisateur est déjà jalonnée d’une vingtaine de films, dont certains historiques comme “Les Innocents” ou “Coco avant Chanel” ou d’autres histoires qui renvoient au passé. Elle se concentre désormais sur une œuvre apparemment simple mais en réalité complexe. Il l’a traité avec une narration très précise et mélancolique, tout comme la personnalité de son auteur. Le film se développe de telle sorte que le spectateur n’est pas toujours attiré par la musique mais aussi par ses silences, par la perception des sons des objets et de la nature, qui seront aussi les stimuli de sa création. Ravel vivait loin du monde réel mais souhaitait souvent s’en rapprocher pour s’attarder dans l’inspiration.

Anne Fontaine déclare en décrivant la genèse du film: “Il y a presque un sortilège vaudou dans le “Boléro”: il invite à danser – et c’est tout à fait normal puisqu’il a été conçu pour danser. Avec son côté tam-tam, il n’appartient guère au domaine de la musique classique, et c’est aussi pourquoi, en général, j’aimais associer les “Boleros” des orchestres symphoniques à ceux joués par des musiciens de jazz, chantés par des Mariachi mexicains ou dansé par les enfants en Afrique. Ce qui est paradoxal, c’est qu’on a l’impression qu’il s’agit d’une œuvre extrêmement transparente, alors que sa création est au contraire très complexe.” Cependant, le public ne pense pas la même chose du Boléro, nombreux sont ses détracteurs.

Avant d’aborder Boléro, Anne Fontaine a dû bien organiser ses sources : elle s’est renseignée sur le complexe critique de Marcel Marnat, musicologue encore vivant que le réalisateur a rencontré ; étudié les entretiens de Manuel Rosenthal, compositeur et chef d’orchestre, élève de Ravel ; et aux écrits précis de Marguerite Long, la pianiste de Ravel, superbement interprétée dans le film d’Emmanuelle Devos.

Ida Rubinstein, ancienne danseuse des Ballets Russes, devenue star et productrice de ses spectacles, lui demande de composer pour elle un ballet. Mais il est en crise d’inspiration. Il sera toujours soutenu par Misia, dont il a toujours été amoureux, par Marguerite, la pianiste dont nous avons déjà parlé, par Cipa, et par Madame Revelot. Au final Ravel, beaucoup plus lent à composer de la musique que les autres compositeurs, trouvera le juste équilibre pour achever l’œuvre.

Les interprètes

Les acteurs sont tous excellents, à commencer par Raphaël Personnaz, célèbre acteur de cinéma, de télévision et de théâtre, dans le rôle de Maurice Ravel, très doué pour le incarner timide, introverti, rêveur mais toujours hypnotique comme sa musique ; Doria Tillier, la fidèle Misia, une douzaine de films, deux César, équilibrée, une égérie parfaite ; Jeanne Balibar dans le rôle de la chorégraphe Ida Rubinstein, moteur du film, une carrière fulgurante d’actrice, comédienne et danseuse au théâtre, il est difficile de compter toutes ses apparitions. Son interprétation est parfaite, pleine d’élan et de Belle Epoque, jusqu’à ce qu’il mette en scène son Boléro en 1928. Comme nous l’avons déjà dit Emmanuelle Devos, cinéma et théâtre à l’infini, habille très intensément la pianiste Marguerite. Également intéressante est la participation de Vincent Perez, acteur, cinéaste, réalisateur très connu dans le rôle de Cipa Godebski, écrivain, peintre, salonnier français.

Alexandre Tharaud
Mention à Alexandre Tharaud, le pianiste qui interprète les compositions pour piano de Ravel, qui selon Anne Fontaine déclare que “quand il met les mains sur le clavier pour jouer Ravel, il éprouve un double sentiment de mystère et d’intimité avec le compositeur”.

Notre seule remarque sur le film est la dernière séquence avec l’interprétation du Boléro dansé par François Alu, célèbre danseur de l’Opéra de Paris, mais inutile après les deux heures si bien tournées et qui avaient contenu les objectifs.

BOLERO Réalisation : Anne Fontaine

Distribution:

Raphaël Personnaz : Maurice Ravel
Doria Tillier : Misia Sert
Jeanne Balibar : Ida Rubinstein
Emmanuelle Devos : Marguerite Long
Vincent Perez : Cipa Godebski
Sophie Guillemin : Madame Revelot

Fiche technique:

Scénario : Anne Fontaine, Claire Barré, librement adapté de Maurice Ravel de Marcel Marnat
Musique : Maurice Ravel, Bruno Coulais (direction musicale), Guillaume Clément (supervision musicale)
Décors : Riton Dupire-Clément
Costumes : Anaïs Romand
Photographie : Christophe Beaucarne
Montage : Thibaut Damade
Son : Brigitte Taillandier, Jean Goudier, Jean-Pierre Laforce
Production : Philippe Carcassonne, Julien Deris, David Gauquié, Jean-Louis Livi
Sociétés de production : Ciné-@, Cinéfrance Studios, F comme Film, SND, France 2 Cinéma, Artémis Production
Société de distribution : SND

(Cr Ph Cinéfrance Studios – Pascal Chantier)