Cast: Hafsia Herzi, Moussa Mansaly, Louis Memmi, Michel Fau, Pablo Pauly, Florence Loiret Caille

par Roberto Tirapelle

Un excellent polaire en milieu carcéral. Hafsia Herzi reconfirme ses capacités d’actrice.

SYNOPSIS

Melissa, 32 ans, surveillante pénitentiaire expérimentée, s’installe en Corse avec ses deux jeunes enfants et son mari. L’occasion d’un nouveau départ. Elle intègre les équipes d’un centre pénitentiaire pas tout à fait comme les autres. Ici, on dit que ce sont les prisonniers qui surveillent les gardiens. L’intégration de Melissa est facilitée par Saveriu, un jeune détenu qui semble influent et la place sous sa protection. Mais une fois libéré, Saveriu reprend contact avec Melissa. Il a un service à lui demander… Une mécanique pernicieuse se met en marche.

Stéphane Demoustier, réalisateur et producteur français, a réalisé de nombreux courts métrages avant de lancer son premier film “Terre battue” en 2014, une comédie dramatique d’un certain intérêt. Mais c’est “La Fille au bracelet” (2019) qui dénote son affirmation en tant que réalisateur car il est bien accueilli par la presse française. Tout le monde confirme une mise en scène pleine de tension avec des acteurs très impliqués avec de nombreux clins d’oeil au cinéma classique.

Après une série télévisée “L’Opèra” (2021), vient “Borgo” qui se distingue par son mélange notable des genres carcéral et policier, un aperçu du milieu corse et le portrait d’une femme mystérieuse en quête d’un itinéraire, presque pas de sourire.

Le film se déroule dans le bloc 2 de la prison de Borgo en Corse où un régime ouvert est appliqué en échange d’une bonne conduite. Les détenus appartiennent à différents clans, il y a quatre à six cellules tandis que les chefs s’organisent comme bon leur semble. C’est une prison autogérée, pas d’Arabes ni de noirs, seulement des Corses.

C’est dans ce contexte qu’intervient Mélissa (Hafsia Herzi), une gardienne de prison experte transférée du continent vers la Corse, avec un compagnon et deux jeunes enfants. Le film évolue sur deux côtés narratifs : la vie quotidienne de la prison et du protagoniste et l’enquête policière qui tente de résoudre avec des caméras un double meurtre survenu à l’aéroport.

Dans les deux cas, le réalisateur manifeste sa volonté de dépeindre une société absolument différente de celle du continent. En prison l’ambiance plutôt détendue contraste avec celle des habitants plutôt agressifs envers les étrangers sur l’île. En effet, le compagnon de Mélissa, Djibril (Moussa Mansaly), est noir et elle est maghrébine et cela ne facilite pas l’intégration. Du côté de la police, il semble que le directeur applique un regard tantôt sérieux, tantôt sarcastique car les enquêtes peinent à avancer.

Mélissa parvient bien à s’imposer dans un pénitencier en régime de mâles, où la directrice elle-même (Florence Loiret-Caille) précise “que ce ne sont pas les gardiens qui surveillent les détenus, mais au contraire, parmi les conditions de détention”. Dans une société extérieure où les voisins tentent toujours d’attiser la haine contre la famille, Melissa devra trouver de l’aide auprès de Saveriu (Louis Memmi), un détenu apparemment affectueux que Melissa connaît déjà avant le transfert. Elle obtient de l’aide mais rien n’est gratuit.

Demoustier a de grands mérites, un scénario très précis écrit par le réalisateur en collaboration avec Pascal-Pierre Garbarini, et une narration temporelle parfaite. Excellent choix d’interprètes secondaires également pour les non-professionnels.

Demoustier sait aussi suivre l’histoire de l’extérieur et patiemment, séquence après séquence, la tension monte avec un montage ponctuel et raffiné. Une mise en scène sans effets scéniques et pourtant il y a des manipulations et des jeux de pouvoir, le tout sans bouleverser la balance du danger. Réalisateur à considérer avec attention, il évolue de film en film.

(Hafsia Herzi dans l’affiche 63 Semaine)

L’actrice.

Pour incarner Mélissa, le réalisateur Demoustier a fait appel à Hafsia Herzi, une réalisatrice et actrice française avec désormais une carrière cinématographique consolidée (41 films depuis 2007 dont deux films dont la sortie est prévue en 2024), 11 courts métrages, télévision, 4 films comme réalisatrice, Théâtre. Désormais, il figure également à l’affiche de la 63ème édition de la “Semaine de la Critique” pour ce beau film “Le Ravissement” d’Iris Kaltenbäck, présenté à la “Semaine” 2023 et qui lui vaut un César 2024 de la meilleure actrice, ainsi que le Prix du Syndicat Français de la Critique de Cinéma 2024. Dans son premier film d’actrice “La Graine et le Mulet” (2007) elle obtient de nombreux prix à commencer par le Festival de Venise. Festival du film . Déjà en 2019 elle se présentait à la “Semaine” en séance spéciale avec le film “Tu mérites un amour”, son premier film en tant que réalisateur.

Dans “Bongo”, elle démontre toutes ses qualités : mystérieuse, insaisissable, en danger et toujours attentive, sobre et jamais exagérée. Et comme, plus généralement, la “Semaine” le dit en présentant l’affiche : “elle est à la fois claire et secrète, noble et rebelle”.

BORGO Réalisation : Stéphane Demoustier – Producteurs : Petit Film – Nationalité : France – Durée : 1h57

Costumes : Céline Brelaud – Décors : Catherine Cosme – Photographie : David Chambille – Son : Mathieu Descamps et Francis Bernard – Montage : Damien Maestraggi – Musique : Philippe Sarde – Société de production : Petit Film – Société de distribution : Le Pacte (France)

(cr ph Petit Film – Le Pacte France)